Lors de la séance de questions au gouvernement, le député et président du conseil régional de la Martinique, Serge Letchimy, a interpellé Claude Guéant à la suite des déclarations du ministre de l'Intérieur sur les civilisations.
L'ancien maire de Fort-de-France, successeur à ce poste d'Aimé Césaire, a poussé le raisonnement jusqu'au bout en demandant si la civilisation c'était aussi l'esclavagisme, le colonialisme et le nazisme et en indiquant que les discours comme celui de Guéant y menaient tous les jours.
Il avait écrit une lettre ouverte à Claude Guéant.
On nous dit que les propos du député de la Martinique ont pu blesser des députés de droite dont la famille avait été déportée, mais leur indignation qu'on ne veut pas nier était en week-end lorsque Guéant s'est exprimé devant les étudiants conservateurs de l'Union. Rare sont les voix qui à droite ont désavoué le ministre de l'Intérieur.
Que dire alors pour un Martiniquais qui a déjà eu à avaler l'amendement, retiré depuis, sur le "bilan positif de la colonisation", le discours de Dakar, sans compter les contrôles de polices pour ses enfants dans certains quartiers populaires de France puisque pour beaucoup de nos compatriotes, notre nationalité ne se voit pas sur nous figures ni ne s'entend dans nos accents.
Si dans le bras de fer de l'injonction morale que la droite veut imposer, certains à gauche se désolidarisent, même d'un poil, de Letchimy, ils auront lâché un peu de terrain dans cette campagne front contre front dans laquelle chacun reconnaît qu'elle a rarement été assi clivée.
Guéant peut, par souci de cohérence, rester droit dans ses bottes, nous mêmes restons aussi sur nos bases. D'ailleurs on constate que dans la justification des propos du ministres, personne à droite n'a trouvé de grand nom de la culture française à mobiliser pour tenter d'avoir un semblant de sérieux.
Dans cette affaire, la droite ne fait que récolter ce qu'elle a semé et la violence des mots n'était que le résultat de la violence des propos. La dernière fois qu'en France un régime politique ou une idéologie a évoqué cette histoire de civilisation, c'était l'extrême droite et la Collaboration.
Mr Guéant, vous déclarez du fond de votre abîme, sans remords ni regrets, que "toutes les civilisations ne se valent pas". Que certaines seraient plus "avancées" ou "supérieures" à d'autres.
Non, Mr Guéant, ce n'est pas du bon sens ! C'est simplement une injure faite à l'homme ! C'est une négation de la richesse des aventures humaines ! Et c'est un attentat contre le concert des peuples, des cultures et des civilisations !
Aucune civilisation ne détient l'apanage des ténèbres ou de l'auguste éclat !
Aucun peuple n'a le monopole de la beauté, de la science, du progrès et de l'intelligence !
Montaigne disait que : "chaque homme porte la forme entière de l'humaine condition". J'y souscris.
Mais vous, Mr Guéant, vous privilégiez l'ombre ! Vous nous ramenez, jour après jour, à ces idéologies européennes qui ont donné naissance aux camps de concentration, au bout du long chapelet esclavagiste et colonial.
Mr Guéant, le régime nazi, si soucieux de purification, était-ce une civilisation ?
La barbarie de l'esclavage et de la colonisation, était-ce une mission civilisatrice ?
Il existe, Monsieur le Premier Ministre, une France obscure qui cultive la nostalgie de cette époque, que vous tentez de récupérer sur les terrains du Front national.
C'est un jeu dangereux et une démagogie inacceptable.
Mais, il en existe une autre : celle de Montaigne, de Condorcet, de Voltaire, de Césaire et de bien d'autres encore !
Une France qui nous invite à la reconnaissance que chaque homme, dans son identité et dans sa différence, porte l'humaine condition et que c'est dans la différence que nous devons chercher le grand moteur de nos alliances !...
Rédigé par : Yasmina Ali Oulhadj | 07 février 2012 à 17:19
Magnifique réaction Monsieur le député, vous avez exprimé avec un très grand talent ce que les Français ressentent en grande majorité ressentent...Merci Merci
Rédigé par : [email protected] | 07 février 2012 à 18:43