Quand j'étais un peu plus jeune, en lisant la Lettre du Manifeste contre le FN j'ai lu un article sur une terrible nuit noire. C'est sous la plume de Yasmina Ali Oulhadj que j'ai découvert ce qui c'était passé le 17 octobre 1961 dans Paris et sa banlieue. Depuis nous sommes devenus amis et cette mémoire, avec des milliers de militants de gauche, nous la gardons intacte.
Les travaux de Benjamin Stora ou le livre de Jean-Luc Einaudi sur la guerre d'Algérie en général et les événements d'octobre sont de précieux outils pour une mémoire occultée. Pendant longtemps, cela a fait partie des sujets qui fâchent. La droite a joué une forme de censure, négationniste puisque les chiffres officiels sont largement en dessous de la réalité avant de passer à une offensive révisionniste. Sarkozy en 2007 s’était fait le chantre du combat contre la repentance, mais deux ans avant, probablement pour satisfaire une partie de l’électorat pied noir, ses amis députés avaient déposé un amendement inciter les enseignants à souligner “le bilan positif de la présence française outremer”. La controverse avait éclaté et la levée de boucliers de la gauche - une campagne fut lancée à l’initiative de DSK, força Chirac à faire retirer l’amendement. Malheureusement, à l’époque, quelques députés socialistes de Languedoc-Roussillon refusèrent de s’associer à la démarche du groupe socialiste.
Le 17 octobre 2001, Bertrand Delanoë fit dévoiler une plaque en hommage aux victimes de cette ratonnade sur le Pont Saint-Michel. Nous nous y rendîmes avec plusieurs militants. Dans le carré officiel, Jean-Yves Le Gallou, alors conseiller régional FN d’Ile-de-France fut repéré par des militants il fut “sorti” par un d’entre eux. J’ai encore en mémoire les images de cet importun, les pieds battant dans le vide étant ainsi “escorté” jusqu’à l’entrée du boulevard Saint-Michel où nous étions. France 3 avait diffusé les images dans son journal du jour...
De ce côté du pont, nous étions avec des militants socialistes, parmi lesquels Jean-Louis Péninou, auteur d’une enquête sur les événements parue dans Libé en 1980, un des premiers textes de journaliste sur la question et des militants de Ras l’Front. Le FN était présent avec à sa tête Roger Holeindre. L’affrontement était inévitable, malgré les flics en civil qui appelait au calme. L’affaire s’est terminée par une mêlée qui sorti les frontistes de là où ils étaient.
Mais revenons sur la “version officielle” des événements. Dès le 18 octobre, puisqu’il était difficile de taire ce qui c’était passé, le gouvernement a annoncé qu’il y avait eu trois morts. La censure de la presse permit au pouvoir gaulliste de “tenir” pendant quelques temps. Durant la première année, les seuls témoignages furent ceux des victimes et il fallait la clandestinité pour qu’ils s’expriment. Aucune commission d’enquête n’a pu être créée, aucun policier n’a été poursuivi. Mais on a fini par savoir car ce qui s’est passé le 8 février 1962 au métro Charonne a ressemblé furieusement à une sorte de récidive. La manif pour la fin de la guerre, à l’appel du PCF dégénère quand la police charge, faisant huit morts. Cette manif et surtout les tués font l’objet d’une médiatisation qui a fait défaut aux événements d’octobre 1961. L’arrivée de la gauche au pouvoir permet à cette mémoire de s’exprimer sans être inquiétée par la censure, mais la reconnaissance politique se fait attendre.
Le procès Einaudi contre Papon abouti à la reconnaissance par la justice française de “massacres” perpétrés le 17 octobre 1961. Mais l’accès aux archives reste toujours compliqué et la grande somme historique sur cette événement restent à écrire. Il faut que le pouvoir politique autorise qu’on éclaire cette page sombre de l’Histoire de notre pays.
Merci Pierre... T'avoir fait découvrir le 17 octobre 1961 est un honneur tant tes connaissances, nous faut-il le souligner d'ailleurs, sont étendues... Et en même temps, plus qu'un honneur, c'est une fierté (ahhh la sacro-sainte fierté des "Hommes Libres"... lol) car c'est en fait le sens de mon engagement : partager l'Histoire, partagée des Histoires, faire entendre la voix de ceux qui n'ont pas pu, qui ne le peuvent pas, que l'on réduit au silence et défendre une équité dans la défense des causes justes. J'ai donc fait grossir nos rangs... et même si je n'ai réussi à embarquer qu'une seule personne dans mon navire, le fait que ce soit toi en vaut bien plusieurs. Mon amitié... à jamais
ps : je regrette la disparition du Manifeste, j'ai adoré y collaborer.
re-PS : chapeau... tu es quasi le seul à savoir écrire mon nom sans l'abîmer, le maltraiter, voire presque le vomir ... mdr
Rédigé par : Yasmina | 17 octobre 2011 à 22:25