La France est un pays ultrapolitisé. Les gens adorent s'empailler sur tous les sujets ou presque. La polémique du jour s'inscrit dans un débat ramené au premier plan de l'actualité par la droite, celui de la laïcité et l'intervention de l'Elysée dans le calendrier d'examen des grandes écoles pour ne pas pénaliser les élèves juifs religieux qui vont fêter Pessah dans quelques jours.
On voit d'ici le danger. "Eux, ils y parviennent". Aux yeux de Français qui se sentent discriminés à cause de leur appartenance religieuse, ce sentiment de frustration par rapport à l'impression d'un statut de privilégié de ceux qui peuvent avoir une ligne directe avec l'Elysée pour obtenir ce qu'ils veulent. On voudrait monter les Français les uns contre les autres qu'on ne s'y prendrait pas autrement, mettant au passage la communauté juive dans une situation inconfortable faite d'amalgames en tous genres.
Le "débat" sur la laïcité était un procès voilé de l'islam, il débouche sur un sentiment de "préférence judéophile" de la part d'un président qui compte un grand rabbin dans ses ancêtres à un an d'une campagne présidentielle pour laquelle, le mieux placé à gauche, DSK sera lui aussi la cible d'attaques et de soupçons liés à ses origines.
Tout ceci n'est qu'une extrapolation pessimiste, mais quand même.
Dans la gauche, le combat laïque est identitaire. Il y a encore quelques jours à la Région, on a eu l'occasion de le constater à propos de la question du financement des crèches confessionnelles.
Sarkozy a lui-même mené la charge contre la laïcité en insinuant que les prêtres ne pourraient jamais être remplacés par les instituteurs. Rappelons au passage ce petit florilège du missel sarkozyen : " Les racines de la France sont essentiellement chrétiennes ".
" la laïcité ne saurait être la négation du passé. La laïcité n’a pas le pouvoir de couper la France de ses racines chrétiennes. Elle a tenté de le faire. Elle n’aurait pas dû ".
" J’appelle de mes vœux l’avènement d’une laïcité positive, c’est-à-dire d’une laïcité qui, tout en veillant à la liberté de penser, à celle de croire et de ne pas croire, ne considère pas que les religions sont un danger, mais plutôt un atout ".
Bref, la droite conservatrice ne cache pas toujours sa préférence. Parfois au nom même justement de la foi...
De toutes façons, pour des gens de gauche, la laïcité ne souffre aucune épithète. Mais ce n'est jamais facile. Cela dépend d'où on parle et dans quel cadre on se situe.
La loi de 1905 a parfaitement survécu aux ans et elle reste d'actualité. Je confesse avoir été hostile aux lois qui ont fait déjà à partir de 1989 car l'interprétation de celle de 1905 suffisait. Les voiles islamiques ne sont pas brusquement apparus à Creil en 1989 et quant à la burqa, nos rues n'en étaient pas remplies. Cela dit, il fallait être intrasigeant sur tout ce qui donne à croire qu'il peut y avoir des raisons "parfois" de discriminer qui ce que soit.
D'où on parle donc. Ayant grandi dans un milieu très religieux, je pense connaître parfaitement la psychologie des croyants. Les débats sans fin sur la Bible sont passionants. Bref, la religion c'est vraiment intéressant. Je comprends bien le domaine de la foi. Mais dans une société où il existe des non croyants ou des gens qui croient différement. Au nom de l'égalité entre tous, on a besoin de la laïcité. C'est aussi l'histoire de notre pays. Contrairement à d'autres nations, la religion a joué un rôle qui n'est pas négligeable.
Il est probable que si l'église catholique n'avait pas été du côté de la réaction en 1789 et tout au long du XIXe siècle, les choses auraient été différentes. Mais c'est précisément grâce à la République que juifs et protestants sont des français à part entière.
Aujourd'hui, la question laïque est animée par deux débats dans les politiques publiques. La question de l'accueil des enfants - bébés et écoliers dans des établissements privés parfois confessionnels qui demandent et qui obtiennent des financements publics et celle des cantines scolaires confrontées aux règles alimentaires juives et musulmanes. Enfin, la question du rôle du Public dans la construction d'édifices religieux.
Les passions s'expriment avant qu'on ne pose clairement les enjeux. Il faut ajouter à cela, la question des fêtes religieuses.
Comment faire ? On aurait pu imaginer que la loi doit s'appliquer tout simplement.
Devant la pénurie de place en crèches, malgré le voeu d'un grand service public de la petite enfance, beaucoup de familles, ne pouvant obtenir de places, ont recours à d'autres moyens comme par exemple les crèches associatives. Certaines d'entre elles sont animées par des organisations religieuses. Elles bénéficient parfois d'un soutien financier public sur la base d'un contrat et elles acceptent - dans la mesure des places disponibles - tous les enfants. D'autres sont confessionnelles, mais, tout en bénéficiant de fonds publics, elles n'accueillent pas d'autres enfants. Dilemme. Si les subsides sont supprimés, la crèche ferme et les enfants sont sans accueil. Que faire ?
Pour ce qui est des cantines scolaires, il faut distinguer les self où les enfants ont par définition le choix, des cantines où il n'y a pas de choix. Et là, ce n'est pas la même politique partout. Certaines ville acceptent l'idée que les enfants amènent leur repas sous réserve que l'on respecte les normes d'hygiène en vigueur. D'autres proposent des repas sans viande.
Le débat n'est pas clos car en réalité, chacun fait ce qu'il peut en fonction de la situation dans sa ville... Mais Guéant, le croisé vient de déclarer qu'il était pour des menus végétariens à destination d'enfants juifs ou musulmans qui refusent de manger du porc.
Enfin, la question du financement de la construction de lieux de cultes. Le principe de laïcité suppose la neutralité de l'Etat et donc son absence dans la participation au financement à la construction d'églises, de pagodes ou de mosquées. Là dessus, certains suggèrent quand même que l'ingérence financière de l'Etat permette de contrôler la provenance des fonds - notamment par rapport à des pays "influents" et que tout cela s'inscrive dans un projet de ville architecturale...
Voilà quelques bouts de réflexions qui permettrait non pas de faire de grandes déclarations principielles, mais de répondre concrètement aux moyens de vivre ensemble dans la République au lieu de co exister dans la Cité.
Commentaires