Il y a un ressort antisémite dans l'islamophobie... Cette formule m'est venue à l'esprit en méditant sur la période dans laquelle nous sommes et à la suite de quelques événements qui se sont enchaînés cette semaine. Alors que l'UMP veut « un débat » sur la place de l'islam, que les sondages ont dévoilé une réalité que l'on percevait « sur le terrain » à savoir la menace frontiste, que la parole raciste se lâche, comme on l'a vu avec les propos scandaleux de Chantal Brunel, j'ai eu le privilège de quelques échanges passionnants. Lundi dernier, en « observateur » j'assistais au gala de l'AJMF, l'association pour l'amitié judéo-musulmane de France qui avait lieu dans le 10e arrondissement de Paris. Au cours de ce dîner, auquel participaient des autorités religieuses juives et musulmanes, des responsables communautaires, des militants associatifs et quelques personnalités comme Marek Halter. Dans un échange sur la manière dont de jeunes musulmans ressentaient cette affaire de « débat » de l'UMP, il apparaissait qu'ils ne bougeaient pas. Le sentiment semble être celui d'une communauté de français qui subissent une fois de plus un coup sur la tête. Résignés, las d'être ainsi montrés du doigt. On doit d'ailleurs s'interroger sur les raisons de ce calme qui ne se transforme pas en colère...
Après l'affaire Brunel, quelques amis m'ont interpelés sur le mode « on remonte Ras l'Front, ça commence à bien faire ! ». Outre que ma culture n'est pas « Ras l'Front », je sens bien l'envie de ne pas rester sans rien faire. Parmi ces amis, quelques camarades passés par l'UEJF à une période où nous menions des combats communs contre l'extrême droite avec l'Unef, le Manifeste contre le FN et d'autres organisations. Pour eux, ce n'était pas simplement le devoir de combattre Le Pen, mais aussi de réactiver la vigilance. Une vigilance qui a cédé la place à la complaisance ainsi que l'a montré la dernière grande controverse sur l'invitation de Marine Le Pen sur les ondes de Radio J.
Pourquoi inviter sur une radio juive une personne qui représente un parti qui est, qu'on le veuille ou non, celui dans lequel se reconnaissent les héritiers de cette vieille droite nationaliste antisémite qui des antidreyfusards au « détail » a constitué le national populisme français. Qu'un journaliste comme Frédéric Haziza - qui s'était gravement fait secouer en 1998 dans les locaux de la région Ile-de-France lors de l'élection tourmentée de Jean-Paul Huchon - ait laissé passé cela mérite des explications. Nadine Morano qui la remplace a, à son actif, un trophée que Marine Le Pen pourrait lui envier après ses déclarations sur les jeunes qui parlent le verlan et sur l'immigration...
Mais il y a là un signe. Dans le débat interne au FN sur la succession de Jean-Marie Le Pen, les gollnischiens reprochaient à Marine Le Pen un « nationalisme » trop bobo qui avait rompu avec l'antisémitisme car elle avait des juifs dans ses réseaux. L'extrême droite dans cette partie de l'Europe, renommée, « droite populiste » a en effet décidé, depuis quelques années de se trouver d'autres « sémites » à haïr. Les arabo-musulmans.
Les gens cultivés le savent, les enfants de Sem, les sémites comprennent l'ensemble des habitants du Proche-Orient. Arabes et Juifs partagent cette culture sémitique vieille de plusieurs millénaires. Mais la dispersion puis l'émergence d'un judaïsme, majoritairement européen, se sécularisant et s'assimilant a fini par donner cette culture européenne - judéo-chrétienne - que, dans des périodes sombres, certains voulaient « nettoyer » par les persécutions. Après tant d'années, au fond, les juifs d'Europe étaient juifs « mais » européens. Après la Shoah, dans une Europe qui découvrait le monde décolonisé, les pays africains, les régimes arabes, les migrations, on prenait conscience de « l'Occident », d'ailleurs devenu le nom d'un groupuscule d'extrême droite. Lors de la guerre des Six Jours et de la guerre de Kippour, il se trouva des gens issus de cette frange, traditionnellement antisémite, pour soutenir Israël. Et même si, le GUD, par « antisionisme », a soutenu la cause palestinienne, il n'a jamais rompu avec l'antisémitisme.
Cécile Duflot a cru déceler dans l'islamophobie actuelle une résurgence de l'antisémitisme des années 30. Je me garderais bien de telles comparaisons car cela voudrait dire que l'antisémitisme est le « pire des racismes ». Ce n'est pas qu'elle a voulu dire, mais par contre c'est ce qu'a insinué Olivier Jay du JDD. L'antisémitisme, comme l'islamophobie sont deux aspects du racisme. La lutte contre le racisme ne devrait pas, cependant avoir ses « préférences ».
Là où Cécile Duflot a raison sur un point : la dernière fois qu'il y a eu une telle hystérie contre une communauté dans notre histoire c'était contre les juifs de France et c'est Robert Badinter qui est venu nous le rappeler. Mais malheureusement, il est des fois où quand j'écoute Robert Badinter, j'ai le sentiment que nous ne méritons pas qu'il soit de notre époque...
Si donc, on refuse avec raison la concurrence des victimes et qu'il n'y a pas d'échelle à faire dans le racisme, il ne faut pas assister sans rien faire à cette vague islamophobe qui déferle insidieusement sur toute l'Europe comme ces torrents de boue qu'on voit à la télévision japonaise en ce moment.
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.