Que mon vieux camarade Alexis se rassure, c’est « just » un jeu de mot pour taquiner le toro et réagir aux coups de piques que j’ai lu ce matin dans sa réponse à l’entretien de Cambadélis sur Mélenchon dans Libé d’hier. Au final, ces passes d’armes entre anciens de la « 4 » auraient pu se faire dans les colonnes de Médiapart !
Pas sûr en effet que ces querelles d’exégètes parlent à beaucoup de monde aujourd’hui, car en effet la culture politique s’estompe et c’est d’ailleurs ce qui a nourri l’ennui de Jean-Luc dans un PS où les militants formés, les dirigeants cultivés et les amoureux des débats intellectuels pouvaient à la fois ennuyer et s’ennuyer car le zapping et le buzz ne laissent que peu de temps pour qu’une idée infuse avant qu’elle ne se diffuse.
Le « cas » Mélenchon, on l’a toujours dit, doit être abordé au regard de l’histoire politique dans laquelle il se situe et donc au regard de la trajectoire personnelle du co-président du PG.
Cette histoire c’est une passion immodérée de la gauche que nous sommes nombreux à partager. Ce désir ancien, non pas d’un parti de gauche, mais d’un grand parti de toute la gauche est toujours d’actualité. Ca ne se décrète pas à quelques uns dans une maison de la banlieue parisienne…
Il n’est pas sûr que l’allusion aux années 30 soit une référence à la fameuse « Troisième période » car non seulement rares sont les lecteurs à quel cela parlerait, mais surtout, les socialistes conséquents ne donnent pas dans le combat contre « l’hitléro-trotskysme ». Ce sont eux, les socialistes qui ont été affublés, en revanche de tous les sobriquets injurieux : « social-fascistes », « sociaux-traitres ». Il fallait « plumer la volaille social-démocrate », faire « feu sur le quartier général de la social-démocratie » et encore jusqu’à récemment, le terme « social-démocrate » sonnait de manière péjorative dans la gauche, synonyme de tiédeur de gauche gestionnaire, donc « capitularde ». Il se trouve encore quelques socialistes comme Marie-Noëlle pour revendiquer fièrement qu’ils sont « socialistes », et pas « sociaux-démocrates ». Pour eux la nuance est de taille et ils argumentent. Pour d’autres, c’est une nuance, pas une différence de nature et nous assumons avoir plus de choses en commun avec les militants du SPD, du PASOK, du PSOE ou même du Labour, même quand nous divergeons sur les orientations qu’avec certaines franges de la gauche radicale. Mais c’est cela la diversité de la gauche. Nous marchons séparément, mais nous frappons ensemble.
L’attaque a dû faire mouche. Elle n’était pas injurieuse. Convoquer une histoire ancienne, celle de la gauche des années 30 ou les références trotskystes communes à lui, son mentor et sa cible, cache mal le choix assumé par le PG dans la constitution du Front de gauche. L’alliance avec le Parti communiste c’est le lien avec l’héritage du mouvement communiste. Un jour en taquinant Alexis sur une réunion qu’il avait Place du colonel Fabien il m’avait répondu « le Mur de Berlin est tombé ». Mais du coup, de quel PC parle-t-on ? A l’évidence, la question a fait débat puisque Robert Hue n’en est plus et que la vieille garde des Gremetz-Gerin-Bocquet se froisse de voir arriver ce qu’il y a de pire pour eux, comme candidat : un ancien trotskyste, antistalinien qui a passé 30 ans au PS dans lequel il était mitterrandien puis dans un gouvernement réformiste avec Strauss-Kahn ! Mais avouons que si la chose finissait par aboutir à cela, nous trinquerions à la santé de Jean-Luc.
La séquence actuelle qui voit se développer une opposition entre Mélenchon et le PS est la « nouvelle » ligne de Jean-Luc. On avait connu au PS la ligne « TSF » « Tout sauf Fabius ». Pendant des années elle avait structuré les arrières pensées des militants et des cadres. Puis il y a eu la ligne « tout sauf Ségolène ». Et maintenant, donc, « de l’extérieur », « Tout sauf DSK ». Ce cheval de bataille enfourché par le PG et le MPEP s’est emballé et il fonce droit dans le mur.
Là réside une divergence de taille entre eux et nous. Nous croyons à la régulation de la mondialisation et à la nécessité de la démocratisation des outils de cette régulation. Donc, nous ne sommes pas anti FMI ou anti OMC. Le fait que des socialistes soient à la tête de ces organisations constituent une opportunité, pas une trahison. Par contre, en effet, si le FMI et l’OMC ne sont pas des ennemis mais des outils, ils ne sont pas devenus « socialistes » et tout le talent de leurs dirigeants doit consister à trouver un chemin entre les exigences et les intérêts des Etats dont certains sont aussi dirigés par des gouvernements de gauche. C’est là une des illusions de la mondialisation : faire croire que la défense des intérêts nationaux a disparu. C’est faux.
C’est également faux de faire croire que si DSK est choisi par le PS, le programme socialiste sera celui du FMI. C’est une formule pour tract ou un argument de meeting et le monde réel est parfois plus complexe que les réunions unitaires.
Il est normal que la perspective d’une candidature DSK contrarie les plans du Front de gauche comme la perspective des législatives peut disloquer la convergence vers une candidature Mélenchon car comme le note cyniquement Benoît Hamon, la question des circonscriptions ouvre des appétits et incite à la raison car il faut s’allier et trouver des accords pour élire des députés.
S’il y a un face-à-face DSK-Mélenchon, ce sera un moment historique qui déterminera durablement l’avenir de la gauche française et ça, nos amis du Parti de gauche le savent. C’est bien ce qui les inquiète et qui les excite. Resucée du clivage classique « réforme ou révolution » ? Possible. Mais inévitable. Mais entendons-nous bien, oui il faut rassembler la gauche, mais si DSK est candidat, c'est pour battre Sarkozy. La tactique est simple. S'il faut affronter Strauss-Kahn, autant tout faire pour le réduire, lui barrer la route ou au moins, lui rendre la tâche difficile. Pour cela, il faut le disqualifier. Instruire son procès en libéralisme, le sarkozyfier et lui effacer tout ce qui en lui est de gauche. Ce sera dur. DSK est entré au PS quasiment en même temps que Mélenchon et depuis, il n’a jamais rompu avec le PS. Il ne l’a jamais attaqué.
Mélenchon, a besoin de diaboliser DSK pour se nourrir comme il fallu "se faire" les médias pour trouver un espace. mais il n'est pas au bout de ses peines. Sa candidature n'est pas encore acquise par la direction du PCF et si ce n’est pas le cas, Jean-Luc ne sera qu’un « petit candidat » que même Besancenot pourrait alors dépasser et alors le Front de gauche aura échoué. On peut évoquer le triste exemple italien, mais derrière le PD, il a l'émiettement de la gauche radicale italienne. Or pour une candidature socialiste qui sera rassembleuse, est-on sûr qu'il n'y aura pas trois, voire quatre candidatures entre le PCF, le PG, le NPA et d'autres forces de la "gauche de la gauche" ? En outre, il est difficile de se réconcilier avec ceux qu’on a diabolisé. J’ai trouvé stupide que certains socialistes diabolisent Mélenchon en l’assimilant à Le Pen, je trouve idiot de céder à la tentation gauchiste qui consiste à écrire que « voter DSK, c’est voter Sarkozy ». C’est là une erreur historique cher Alexis. Ainsi tu insinues que droite et gauche c’est pareil, tu considèrent que des militants socialistes sincères, même indifférents aux sirènes sondagières, sont des alliés objectifs du sarkozysme quand ils pensent qu’il faut une candidature DSK. Pour le coup, on n’est pas loin des années 30 là ! N’allons pas si loin. Souvenons nous de l’embarras des militants communistes après les « consignes » de Marchais au sujet du premier tour de la présidentielle de 1981…
Nul doute qu’ayant été biberonnés au bien fondé du Front unique, les camarades du parti de gauche sachent distinguer leurs concurrents de leurs adversaires et, que le moment venu, ils ne se trompent pas d’ennemi.
(crédits photo : Philippe Grangeaud)
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