Deuxième journée du voyage avec une série de rendez-vous officiels, à la Mairie de Beijing, au département international du PCC et à l’Assemblée consultative, l’équivalent du Sénat. Pour cela, il faut rouler dans la ville, ce qui permet de découvrir un urbanisme qui en dit long sur l’étonnant synthèse de la Chine actuelle. Au-dessus des bâtiments officiels dont le style architectural est dans le canon classique du réalisme socialiste, montent, pour le coup, « à l’assaut du ciel », des tours qui, arborent le logo en grand – tout est souvent grand ici – d’un groupe industriel, d’une banque ou d’un groupe d’affaires, démontrant la présence de la Chine sur le devant de la scène de l’économie mondiale.
Comme on peut s’y attendre, en Chine, « c’est rangé ». L’accueil réservé par les dirigeants du Parti est carré, cordial, il est important à leurs yeux que le PS soit là. En quelques phrases, le ton est donné. La Chine réalise en 30 ans ce que l’Europe a mis 300 ans à conquérir : la révolution industrielle et la modernisation. Les dirigeants chinois nous disent qu’ils veulent construire un Etat de droit, augmenter le niveau de vie de leur population, développer le marché intérieur, améliorer la sécurité sociale pour tous…
Cela revient dans beaucoup de discussions. D’ailleurs, l’architecture le montre. De tous temps, ce que construisent les hommes montre de manière plus éclatante que les longs discours leurs intentions. A Beijing on a cessé la destruction des vieux quartiers populaires pour finalement en faire des témoignages du patrimoine urbain de cette grande capitale traversée par des autoroutes à quatre voies !
Et donc, nous nous sommes retrouvé sur la Place Tian’Anmen. Cette version chinoise de la Place rouge à Moscou. Ici ont lieu depuis 60 ans les grands défilés. La place qui est aussi large à l’œil nu qu’on peut se l’imaginer, est encadrée par les bâtiments officiels de l’Assemblée du peuple, le Mausolée de Mao et la porte sud de la Cité interdite, flanquée du portrait de Mao – l’image est connue. Un peu comme à Washington, on vient des quatre coins du pays pour visiter « la capitale ». Des gens des provinces viennent en famille ou en groupe avec des enfants de tous âges, y compris des bébés de 1 ou 2 ans. Certains arborent un petit drapeau chinois. Modernité oblige, un grand mur d’images permet de suivre les grands événements.
Impossible de se promener ici sans se souvenir de 1989 et des manifestations. Ici en Chine, nous replaçons ces questions de droits de l’homme, de démocratie et de liberté dans un cadre plus global que nos interlocuteurs ont anticipé. Pour eux, il faut venir en Chine pour savoir de quoi on parle au lieu de faire des déclarations fausses et irrespectueuses. On y reviendra.
Nous avons visité la salle où se tiennent les congrès du PCC. Un grand théâtre qui accueille également les sessions de l’Assemblée consultative. 10 000 personnes peuvent assister aux travaux sur trois niveaux. C’est là un élément classique des régimes de ce type : la mise en scène et en image partout où c’est possible d’un nationalisme – c’est-à-dire d’une fierté d’être Chinois et socialiste. Dans les documents du dernier congrès du PCC, d’ailleurs, l’accent est régulièrement mis sur le caractère pluriethnique du pays, perçu comme une richesse, même si la majorité des dirigeants du Parti appartiennent à l’ethnie Han.
Entre ces deux lieux, la Place Tian’Anmen et le Palais de l’Assemblée du Peuple, toute la complexité du PCC apparaît comme la confirmation qu’il ne s’agit pas d’une structure monobloc. Des courants s’y affrontent, des intérêts s’y confrontent, mêlés entre le Parti et l’Etat. Tout se joue non pas au grand jour mais dans le velours des réunions de dirigeants au gré des grâces et disgrâces, en fonction de l’impact de telle ligne sur la stabilité du Parti. C’est ainsi que dans l’Histoire du PCC, l’échec de telle ou telle réforme ou d’expérience est puni par la destitution du dirigeant en place. Par exemple, le Grand Bon en avant conduisit à l’écartement de Mao qui riposta par la Révolution culturelle dont le bilan entraina le Procès de la Bande des Quatre après la mort de Mao. Les événements de Tian’Anmen ne furent pas sans conséquence dans la direction du PCC où la ligne dure de Li Pen l’avait emporté sans amener les résultats escomptés… Ce fut peut-être la seule zone d’ombre de la présidence de Deng Xiaoping car lorsque l’on écoute les dirigeants actuels du PCC, il est frappant de constater que le père de ce qu’on appelle ici la Politique de réforme et d’ouverture constitue une référence incontournable, bien avant Mao Zedong...
Merci de mettre le doigt sur la dimension pluri-ethnique revendiquée. Le PCC est perçu en occident comme un parti défendant uniquement les Han sur les autres ethnies chinoises.
Pour ce qui est des courants, il n'y a rien de structuré officiellement non ? Je sais qu'avant la révolution culturelle il y a avait une fraction organisée de Den Xiaoping au sein du parti mais elle fut balayée avant que son chef ne soit réhébilité en 1972 ou 1973
Rédigé par : romain blachier | 15 juillet 2010 à 09:55