C’est ce que craint une partie de la presse conservatrice
israélienne après l’attaque de la marine contre la flottille pour Gaza le 31
mai dernier. Quand on lit la presse de ce pays, la critique est très dure et
cela, des deux côtés. Les journaux plutôt proches de la droite ou du centre
comme Maariv et Yediot Aharonot ont titré « piège », les chroniqueurs
ont taclé le gouvernement sur l’impréparation de l’opération, sur le fait qu’il
s’est laissé enfermer dans une sorte de manipulation médiatique. A gauche,
Haaretz condamne non pas l’échec, mais l’opération elle-même.
La droite a peur que la flottille soit devenue un symbole
comme les gens en usent et abusent pour marquer Israël au fer rouge. Quand on
discute aujourd’hui avec des gens qui se veulent des défenseurs inconditionnels
de cet Etat, quelque soient les choix politiques de ses dirigeants, ils disent
toujours deux choses qui sont sensées justifier le reste. Israël est la seule
démocratie de la région. Le Mur a mis fin à la violence dans l’est du pays.
L’affaire de la flottille est probablement la provocation de
trop. Une intervention dans les eaux internationales, disproportionnée par
rapports à la nature et aux moyens – y compris de défense – des militants sur
les bateaux ? Aucune circonstance atténuante. Du coup, Israël s’est isolé
lui-même et contribue lui-même au sentiment de résignation qui envahit aussi
bien le peuple israélien que les amis de la droite israélienne : Quoi
qu’on fasse on a tort.
Mettons cependant les pieds dans le plat histoire de dire
les choses.
Ironiquement, plusieurs des idées du livre de Regis Debray paru quelques jours
plutôt semblent, partiellement confirmés par les faits.
L’opération a réussi : monter une flottille
internationale avec des parlementaires, des intellectuels, des humanitaires,
mais aussi des militants propalestiniens donne en effet, en apparence un côté
« nouvel Exodus » puisqu’il s’agit de contester une puissance
coloniale en opposant à une forme militaire légendairement connue pour sa
force, des civils venus du monde entier. Israël donne parfois l’impression de
ne pas être entré dans le monde du XXIe siècle qui est plus que jamais un monde
de la dictature de l’image…
Le piège s’est refermé sur tout le monde : en poussant
Israël à la « faute » pour remuscler la contestation internationale
de la situation palestinienne, en particulier le blocus israélo-égyptien sur
Gaza et en faisant du Hamas le bénéficiaire d’une solidarité internationale qui
s’accommode d’un parti qui dispose d’une branche armée qui pratique le
terrorisme… Tout cela ne peut qu’exciter les radicaux de toutes bords. En
France, où nous avons la particularité d’avoir la plus importante communauté de
culture juive et arabo-musulmane d’Europe, les choses sont moins simples
qu’ailleurs.
Chacun s’identifie avec plus au moins de bonne foi à la
cause en se comportant en citoyen d’un autre pays.
L’appel JCall qui a remporté un tel succès qu’il a généré
des sauvages critiques de la part de l’extrême droite israéliennes et des
attaques contre le site.
Comme dit Leila Shahid, on a l’impression que Netanyahu
saisit chaque occasion de saboter le processus de paix.
S’il y avait un point commun à faire entre Israël et son
allié de la région, la Turquie, c’est le rôle de l’armée qui limite les possibilités
illimitées de la démocratie. En Turquie, l’armée (« l’Etat profond »)
se veut le garant de la laïcité et elle a parfois pris le pouvoir dans le
passé. En Israël, l’armée est au cœur du pouvoir où la dimension intégralement civile
de la vie politique est très limitée. Les Israéliens répondent à cela que le
pays est en guerre perpétuelle, mais la conséquence est simple. Les intérêts
militaires finissent toujours par exister par eux-mêmes, indépendamment de la
réalité des menaces. Une relecture du déclanchement de la Guerre des Six-Jours
le montre avec la façon le Premier ministre de l’époque, Levi Eshkol a subi la
pression de l’armée lors que Nasser a fermé le détroit de Tiran. Ce blocus
avait été un cassus belli. Aujourd’hui, il y a un blocus sur Gaza…
La comparaison avec l’Exodus vient de la presse israélienne
qui rejette l’analogie. Elle n’a pas lieu d’être au risque de décevoir les
amateurs de symboles. Les militants propalestiniens ne sont pas des rescapés de
camps nazis et, on pourra dire ironiquement que pour un bateau, l’Exodus, qui n’a
pu accoster, des dizaines d’autres ont pu débarquer leurs passagers clandestins
vers un avenir incertain où se mélangeait le désir d’entre en Israël et l’appréhension
de toucher une terre inhospitalière car il fallait passer de l’uniforme de
déporté à celui de soldat, ainsi que le montrent le très beau film d’Amos
Gitai, Eden et l’excellente série
franco-israélienne diffusée l’été dernier
Revivre. Revivre, c’est le destin qu’il faut offrir immédiatement au
processus de paix. Cela passe par deux conditions qu’on ne peut plus reporter.
La levée du blocus et la reprise des négociations avec un calendrier. A côté de
delà, bien sûr qu’il faut une commission d’enquête internationale à l’issue
plus heureuse que le Rapport Goldstone.
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