Je reprends ici l'édito de Nouvelles Internationales de cette semaine (No. 43) signé par Jean-Christophe Cambadélis. Il vaut le détour car il met le doigt sur un mal qui rogne l'Europe comme une tumeur, l'égoïsme.
La
crise grecque met clairement l’Europe à l’épreuve. Après l’invention par
Goldman Sachs et reprise depuis par tout le monde, des BRIC (Brésil Russie Inde
Chine) qui était sensé représenter le bloc des émergeants – mais dont il faut
admettre qu’il n’est pas aussi homogène qu’on le pense, voici maintenant les
PIGS, (Portugal Italie (et Irlande) Grèce Espagne) qui désignent ces pays les
plus fragiles de la zone Euro. Ces pays ont en commun d’être la cible des
marchés à cause de l’importance de leur endettement. On doit cet acronyme
clairement injurieux (« pigs » signifie « porcs » en
anglais) à des traders et des journalistes anglo-saxons un jour de 2008. On les
accuse de ne pas respecter la discipline budgétaire.
Le
gouvernement grec doit affronter la colère de la rue, même si dans l’ensemble,
il bénéficie du soutien des deux tiers des Grecs, d’après les sondages et que
les syndicats ne font pas souffler de vent de révolte, la rigueur est dure pour
tout le monde. Mais, on a l’impression à entendre l’extrême gauche, qu’il est
aussi coupable que le gouvernement conservateur qui a été battu aux élections
et dont on a découvert qu’il avait trafiqué les chiffres avec l’aide de la
banque d’affaires Goldman Sachs.
L’intervention
du Fonds monétaire international, si elle est salutaire, n’en est pas moins la
démonstration d’une carence européenne.
Si
la Grèce avait été une banque, en aurait-il été de même ?
Cela
en dit long sur ce nouveau mal qui ronge l’Europe, l’égoïsme politique. Il est
économique et national car la stigmatisation de ces pays vient d’autres pays
qui ont peur de la « contagion ». L’Allemagne dont les relations avec
la Grèce sont anciennes subordonne son discours à des considérations de
politiques intérieures qui s’arrêtent aux élections régionales dans le Land de
Rhénanie du nord – Westphalie desquelles dépend l’avenir de la majorité
conservatrice au Bundesrat.
Face
aux difficultés de certaines Etats-membres de l’Union européenne, face aux
problèmes qui frappent des régions de nos pays ou des catégories sociales de
nos populations, il semble que le trio européen qui devait faire ses preuves,
plie devant l’épreuve. L’intervention du FMI est la démonstration de la
faiblesse des mécanismes européens quand il s’agit de sauvetage économique ou
de thérapeutique financière. La réaction généralement constatée, c’est le
« chacun pour soi » et le « débrouillez-vous ». Tout cela
fait partie d’un contexte et la nouvelle crise de régime en Belgique, comme le
résultat sans appel des élections législatives en Hongrie sont les facettes
d’un même phénomène, la droite européenne crie « haro sur la
solidarité ».
Aujourd’hui,
alors que le libéralisme est en crise du, nous sommes dans une période particulière.
C’est un véritable courant antisolidaire qui est à l’œuvre. Il est fait de
séparatisme, comme en Espagne avec la Catalogne, en Italie avec le poids
croissant de la Ligue du nord comme on l’a vu lors des récentes élections
régionales, il y a un mois, en en Belgique avec la querelle linguistique, qui,
une fois de plus a mis un terme au gouvernement Leterme. Il est aussi fait
d’égoïsme, teinté de nationalisme avec l’attitude d’Angela Merkel à l’égard de
la Grèce. Aux Pays-Bas où l’extrême droite (VVE) va tenter une percée lors des
élections législatives anticipées. En Hongrie bien sûr, avec la victoire
historique du Fidesz, qui rafle les deux tiers du Parlement et qui est en
mesure de modifier la constitution à sa guise, une victoire qui fut celle aussi
de l’extrême droite avec, pour la première fois, l’entrée du Jobbik au
Parlement hongrois. Nous l’avons en France avec le Front national. La
liquidation du courant libéral tel qu’il s’est exprimé vient se construire un
courant antisolidaire qui exprime qu’il n’y a pas de solidarité à exercer avec
d’autres catégories, qu’il s’agisse des immigrés, des pauvres, ou de pays en
difficultés.
Si
l’Europe n’est pas solidaire, elle meurt. Et si elle meurt, les pays seront
sans filet face aux marchés. Imaginez la France avec ses 175 milliards d’euros
de déficit ! C’est la rigueur renforcée dans la minute. La solidarité
c’est toute l’essence de sa construction que la coopération entre les nations,
la solidarité entre les sociétés depuis ce 9 mai 1950 où Robert Schuman expliquait
dans un discours fondateur, l’importance du
rôle de la France dans la construction d’une Europe solide, prospère et
pacifique, reposant sur une base franco-allemande. Un texte perçu à l’époque
comme « une saine évolution européenne » par le social-démocrate
allemand Kurt Schumacher. Depuis 60 ans, on n’aurait donc rien appris ?
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