La période estivale est le moment de se détendre, mais aussi
de faire quelques bilans, comme, par exemple, celui du mouvement qui a secoué
les Antilles au début de l’année. Le vacancier juilletiste qui prend une partie
de ses congés payés sous les tropiques peut vérifier, sans troquer son maillot
de main contre un dictaphone, où en sont les Antillais après le mouvement
social qui a révélé les réalités de l’enfer qui existait sur ces îles
paradisiaques.
On se souvient qu’une bonne partie des la contestation
portait sur la vie chère notamment. Depuis, rien n’a bougé. Il y a eu d’excellents
écrans de fumée et de manœuvres en termes de communication, mais une fois que les
alizés ont chassé cette masse nuageuse de mensonges, la réalité est là. Rien n’a
vraiment bougé.
D’abord, les billets d’avion. Le gouvernement avait lancé une grande campagne
au printemps pour annoncer une baisse importante du prix des billets d’avions
pour se rendre aux Antilles avec même un site dédié. Si on met de côté le
touriste qui sait mettre le prix demandé pour aller où il veut, l’Antillais qui
rentre « au pays » doit se saigner. Rien à moins de 600 à 800 euros
en période estivale. Là, on promettait des tarifs à 400 euros – ce que les
compagnies charters pratiquent comme prix hors périodes estivales. Aussi, il
fallait, pour bénéficier de ces tarifs abordables, il fallait que toute la
famille prenne ses congés… en mai. Soit « ils » n’ont rien compris, soit
« ils » se moquent du monde. La chambre de commerce et d’industrie de
la Martinique, (CCIM) qui gère l’exploitation de l’aéroport internationale Aimé
Césaire, demande une taxe d’aéroport qui avoisine les 150 euros ce qui a pour
conséquence, s’agissant d’un trajet vers l’île sœur de la Guadeloupe, de
doubler carrément le prix du billet…
Ensuite, le prix des denrées alimentaires. Il avait été
sévèrement critiqué. Très élevé – même dans un supermarché Leader Price, donc,
de catégorie « hard discount », la valeur d’un caddie double dès qu’on
traverse l’Atlantique. Les produits locaux sont parfois plus chers que les
produits importés. Deux cents articles avaient fait l’objet d’une liste de produits
sensés êtres de première nécessité ou incontournables et dont le prix devait être
baissé. Une négociation avec la grande distribution avait été nécessaire pour
cela. Dans les faits que l’on constate aujourd’hui, les produits « concédés »
n’étaient pas consommés de toute manière. En clair, ça ne représentait aucune
perte pour la grande distribution et quand on va dans un 8 à Huit ou un Leader
Price, ce qui frappe c’est le vide sur un bon tiers des étalages.
Imaginez que même dans une zone touristique comme la Pointe
du Bout aux Trois-Ilets, à proximité de l’une des trois grandes marinas de l’île,
il n’est pas évident de trouver des produits de base alors qu’une clientèle de
plaisanciers, de riverains et de vacanciers est toujours importante.
Il existe une structure chargée de contrôler les prix, mais
elle agit peu.
Si on voulait continuer dans le réquisitoire, on pourra
parler des abus de la téléphonie mobile. Trois opérateurs se partagent le
marché. Digicel, Only et… Orange Caraïbes. Mais cette filiale d’Orange ne se
considère pas tant que cela comme un opérateur national. Un abonné Orange à
Paris ne peut en aucune manière faire évoluer son forfait avec Orange Caraïbes
sans payer le prix fort. Alors qu’il s’agit d’un département français, on est
soumis au roaming puisque les opérateurs considèrent qu’il s’agit d’une zone
internationale ou, avec de la générosité, européenne. Ainsi, deux minutes de consultation
de ses e-mails sur un Iphone coûte… 32 euros !
Le SMS coûte donc 13 centimes. Les appels émis, 51 centimes
la minute, les appels reçus 23 centimes. Le pass internet international auquel on
est invité à souscrire coûte 5 euros pour 10 Mo de données… pendant 24 heures !
Bref, communiquer en Martinique avec un mobile « français » coûte
aussi cher qu’à l’étranger.
Quand on s’adresse à Orange, on constate que rien n’est
prévu, de quelque rive de l’Atlantique où on se trouve, pour bénéficier d’une
offre qui soit dans la logique de la « continuité territoriale ». Pour le coup, sur le plan commercial, on
est bien loin de la République une et indivisible.
Voilà quelques exemples concrets qui montrent que peu de
choses ont changé.
S’agissant enfin de la relation avec les békés, le sentiment
général demeure que le mouvement de février ne fut pas un mouvement anti-béké,
mais il a libéré des haines et des tensions refoulées depuis bien longtemps. Il
n’était pas possible que les choses se passent différemment. La diffusion du
documentaire de Canal plus sur les békés a mis de l’huile sur le feu. Même si l’angle
choisi par le réalisateur était critique, le documentaire présente les blancs
créoles, tels qu’ils sont perçus par la majorité des Antillais. Si on veut être
honnête, on doit se garder de généraliser les comportements. Mais, élément
amusant, l’un des frères Hayot, une des familles békés de Martinique, est
actionnaire de Canal plus…
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