L'émission de jeudi soir sur France 2 dans laquelle DSK devait dire quelques mots sur la crise, en sa qualité de directeur du Fonds monétaire international est assez attendue visiblement. Autant par ceux qui s'intéressent à la situation économique du monde qu'à ceux qui cherchent déjà à connaître les éléments de la prochaine "confrontation" chez les socialistes pour... 2012. Ainsi depuis l’autre dimanche, la presse a fait de la prestation télévisée du directeur du FMI, un événement "socialiste" interne obéissant à une réalité virtuelle, derrière le patron du FMI se cache le futur patron du PS, en réalité du pays puisqu'il s'agit de spéculer sur les conditions d'un retour de DSK dans la vie politique française en vue de la prochaine présidentielle.
Rien de bien neuf. C'est pourtant l'occasion de dire un mot sur l'état des strauss-kahniens. Il y a trois ans, nous étions alors en pleine préparation d'une primaire que nous ne voulions pas perdre. Il y a deux ans, nous faisions campagne pour Ségolène Royal, candidate des socialistes, à la place qu'elle nous avait donné. Il y a un an, appliquant tant bien que mal, les recommandations de DSK, nous tentions de réaliser l'ouverture en maintenant l'unité.
Un an plus tard, les strauss-kahniens sont divisés. Ils se sont heurtés à la question non pas du "post-strauss-kahnisme", mais d'un après DSK qu'ils n'ont pas su surmonter. Pas tant à cause de querelles d'héritage ou d'interprétation que sur des questions de trajectoires personnelles ou d'opportunités tactiques. En clair, comment maintenir un courant strauss-kahnien qui définit sa propre orientation, qui la défende et qui se fixe des objectifs stratégiques. Avec le recul, on a l'impression que le clivage a existé entre ceux qui savaient ce qu'ils voulaient et ceux qui savait juste, ce qu'ils ne voulaient pas. Mais tout n'est pas si net ou si manichéen. Il n'y a pas d'un côté Mosco le lisse et de l'autre Camba le retors. Ou d'un côté les tacticiens apparatchiks cyniques et de l'autre, les vertueux tenants de la ligne, intellectuels et "éthiques"... C'est toujours un pari risqué de prétendre séparer le bon grain de l'ivraie, surtout quand l'essentiel est ailleurs.
Car il s'agit bien de savoir "où vont les strauss-kahniens". Cela dans l'intérêt de ce qu'ils portent et donc, dans l'intérêt du PS car il ne saurait y avoir d'autres préoccupation que cela. Le courant Socialisme & démocratie avait enfin réussi à pousser un peu plus avant sa définition dans la contribution Besoin de gauche. C'était une première. Mis à part quelques uns partis très tôt chez Delanoë, l'essentiel des troupes avait franchi une étape : la définition politique et l'ouverture. Un regret cependant, on n'était pas au niveau des textes précédents rassemblés notamment dans le Manifeste social-démocrate.
Il y a toujours une identité et bien sûr une histoire ainsi qu'une mémoire. Mais les bases politiques qui permettent d'écrire la suite et de tracer les perspectives, sont sapées par d'autres éléments d'ordre personnel, affectif, moral ou autre...
Besoin de gauche est passé de la contribution d'un collectif, Socialisme & démocratie et Rénover maintenant, à un collectif autour d'une personne. Le courant historique a explosé car il était plus hétérogène qu'on ne veut bien l'avouer car ni les rocardiens, ni les jospinistes ou les autres n'avaient sincèrement renoncé à leur propre désir d'autonomie. Preuve en est que les premiers ont toujours revendiqué non seulement cette identité, mais aussi ce particularisme. Preuve en est qu'ils quittèrent le navire les premiers et qu'aujourd'hui, ils tentent de se réorganiser autour du texte "Inventer à gauche". Un texte qui tente la synthèse entre leurs choix de l'année écoulée. C'est une approche pragmatique, mais elle tient beaucoup au désir de ne pas disparaître.
En prenant son autonomie, Pierre a hérité d'une responsabilité. Devenir chef de courant n'est pas un exercice facile. Il faut savoir naviguer entre l'affirmation, la composition, la synthèse, le jeu collectif, l'autonomie. Ne pas se tromper de rythme, d'adversaire ou de but.
Le post-strauss-kahnisme n'a pas plus de sens aujourd'hui que le fait pour Bertrand de déclarer il y a un an son "libéralisme". A la faveur de la crise, Dominique est "the right man in the right time". Mais son aura, si elle est la preuve que la gauche avait donc raison de réclamer la démocratisation des instruments internationaux de contrôle économique, financier et monétaire et qu'elle avait vu juste en prônant la régulation et la moralisation du marché, n'est pas moins une épée de Damoclès au-dessus des tacticiens qui ne pensent qu'en termes de "positions" de leur champion dans une course qui ne s'arrête jamais.
On parle toujours d'unité en politique, mais on doute toujours de la fidélité. Martine Aubry a été élue à la tête du PS grâce au succès des Reconstructeurs qui ont démontré que les socialistes savaient se parler et résoudre leurs désaccords passés sans se renier. On ne construit par le parti de demain en s'arc-boutant sur les clivages d'hier. En politique, l'hégémonie est une chose, l'unanimisme une autre. Les strauss-kahniens ont contribué à donner une noblesse inédite à l'idée de social-démocratie dans la gauche française. La scission des mélenchonistes en est un signe important. Le PS n'a jamais été aussi actif dans le PSE d'ailleurs. Comme expliquer autrement le choix de la France comme pays de départ de la campagne des sociaux-démocrates européens ?
Nos idées ont donc infusé et elles se sont diffusées. C’est une réussite qui contraste avec la réalité des forces si on se base sur les personnes. Probablement parce que la cohérence du courant, au-delà de la seule personne de Dominique n’était pas encore suffisamment solide et qu’il fallait, d’une certaine manière « trouver les raisons de notre propre existence ». Cette réussite n'est pas visible. En tout cas, elle est suspecte, car qu’ils soient avec Delanoë ou avec Aubry, les amis de DSK ne pouvaient être, pour les plus sectaires de leurs nouveaux courants, que des pièces rapportées…
Ainsi, quand Claude Askolovitch parle à la fois d'un "patron caché" et d'un Cambadélis qui a placé les siens aux postes clés, il fait le jeu de ceux qui confondent les temps à escient et qui ne peuvent s’empêcher de prêter à leurs camarades les arrières pensées les plus tordues…
Pour que les conditions d’un retour soient réunies, il faut deux réussites. D’abord celle de Martine Aubry dans la rénovation du PS, ensuite celle de Dominique Strauss-Kahn dans sa mission à la tête du FMI, enfin, celle du PS dans la reconquête de son électorat et de son hégémonie dans le champ de la gauche, aujourd’hui labouré par le Modem, le NPA et, d’une certaine manière, Sarkozy. C’est donc peu de dire que les destins sont liés et que, comme dirait Ségolène Royal, « tout se tient ».
On ne construit pas un avenir sur une hypothèse elle-même portant sur le futur. Qu’est-ce qui est le plus important ? Gagner en 2012. Pour cela, même un « homme providentiel » ne pourrait rien sans un parti puissant, quand bien même, il aurait contribué à résoudre la crise mondiale.
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