Il est cinq heures. Paris s'éveille et il pleut. Avec des dizaines d'amis, nous avons assisté à une des soirées électorales pour vivre en direct, malgré le décalage horaire, un moment que nous serons fiers d'avoir vécus quand nous feuilletterons les livres d'histoire dans quelques années. L'élection de Barack Obama. A ce stade, tous les résultats ne sont pas encore connus, mais la tendance est là, irréelle encore un peu. Les démocrates gagnent les élections et c'est un Afro-américain qui, pour la première fois sera président.
On reviendra sur les conditions, les conséquences, l'analyse du vote. Il y aura des milliers de pages et de commentaires sur cela. Laissons la politique de côté pour prendre la mesure des choses. Si Obama est un métis, sa victoire est celle d'un Noir et alors qu'on regardait les écrans pour voir si la Louisiane, la Virginie, l'Alabama ou la Géorgie voteraient pour lui ou non, il m'était impossible de ne pas penser à ceux qui n'auront pas vécu assez longtemps pour voir cela arriver. Il y a une émotion réelle quand on pense à Rosa Parks, à Martin Luther King, à Malcolm X... Billie Holliday qui chantait Strange fruit, John Coltrane qui avait composé Alabama après l'incendie d'une église. Huey P. Newton, Fred Hampton, Bobby Hutton, Stokely Carmichael... Frederick Douglass, W.E.B. DuBois ou Booker T. Washington, Alex Haley, Paul Robeson, Nina Simone, Duke Ellington, Dorothy Dandridge, Curtis Mayfield, Marvin Gaye ou Isaac Hayes, tous ces artistes, militants, intellectuels ou anonymes qui sont morts trop tôt, assassinés parfois, qui ont chacun dans son style ou dans son époque lutté pour la fierté d'un peuple et l'égalité des droits. Ceux qui sont encore vivants se souviennent. Ont-ils jamais douté que ce jour viendrait ? Muhammad Ali, Jesse Jackson, Andrew Young, Maya Angelou, Tommie Smith, Spike Lee, Public Enemy ou Cornell West... Ceux qui étaient courbés dans les champs de coton ou sur les chaînes de montage ont-il imaginé qu'un jour, il y aurai à la Maison Blanche, un Noir dans le Bureau ovale ? Pas pour le nettoyer, mais pour l'occuper comme 44e président ?
Mais cette victoire est aussi celle d'un peuple. Le peuple américain qui vient de donner au monde entier une leçon de démocratie et d'humanité d'autant plus grande que tout a semblé naturel. Oui, les hommes peuvent changer le monde et c'est aussi parce que je crois en cela, que je crois dans la politique.
Enfin, comme aurait dit Léon Blum, les difficultés commencent.
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