Reims
2008 c’est presque fini. Congrès raté ? Rennes bis ? Eh bien non. Vu
de l’intérieur, j’ai eu beau chercher, je n’ai pas vu de bagarres entre
militants, de tensions entre motions ou de froideur dans les rangs. Une
sensibilité très grande en revanche et en effet un parti divisé en deux dont la
ligne de fracture s’appelle, Ségolène Royal. Alors que les images de ce congrès
tant attendu sont encore dans les têtes, j’en retiens quelques unes, assez
significatives de la période.
D’abord, les congrès
socialistes de plus en plus en queue de poisson. Dans l’indifférence générale,
Adeline Hazan a fait un discours de clôture alors que les gens se levaient
déjà. Seuls, quelques militants bien élevés sont restés pour l’écouter. Au passage,
bravo à Gilles, Adeline, Nico et les camarades de la Marne pour ce boulot
titanesque. Bravo aussi aux permanents de Solférino et aux camarades du service
d’ordre dont certains ont passé une bonne partie du congrès sur le parking ou
parfois à des postes qui les tenaient éloignés de la scène où s’est déroulé
pendant trois jours, un congrès qui restera dans les mémoires.
Ce
ne fut pas le congrès de Rennes car reste une mémoire de Rennes. Par contre, il
y eut en effet une nouveauté. Pour la première fois depuis 18 ans, les
socialistes terminent un congrès sans majorité, avec trois candidats. Division
alors ? Pas nécessairement car dès jeudi, il y aura un ou une nouvelle
patronne au premier étage de la rue de Solférino.
Comment
en est-on arrivé là ?
L’équation
était simple. Du haut de ses 29 %, Ségolène Royal revendiquait la direction du
PS, sans majorité pour l’épauler. Il fallait donc trouver, face à cette
majorité relative, une majorité alternative, pour reprendre la formule de
Gaétan Gorce.
La
journée de samedi fut un concentré de toute la situation politique et de toute
la diversité de l’offre. Bertrand Delanoë a fait un discours le matin – dans un
congrès, ne jamais parler le matin : les délégués ne sont pas tous arrivés
et la salle est encore endormie. Laurent Fabius, à l’aise dans l’exercice comme
d’habitude, a réveillé la salle après le déjeuner. Deux ans, jour pour jours
après sa victoire à la primaire socialiste, Ségolène Royal a capté, évidemment
beaucoup d’attention. Son discours est une énigme ou une formidable
manipulation.
D’abord
l’angle. Elle avait choisi un registre religieux et maternel. Elle provoqua
d’emblée une bronca d’une salle de militants demandeurs de politique. Si elle
avait été familière de la grammaire des congrès, elle aurait pu, d’une phrase,
improviser une riposte qui aurait scotché son public. Au contraire, elle se
braqua. Jamais Royal n’a cherché à séduire. Elle a simplement prêché et
globalement péché car elle a démontré son désintérêt pour le congrès s’il se
donnait une autre vocation que celle de lui offrir un sacre. Manipulation car à
l’évidence, la bronca donne l’image d’un parti hostile, machiste, passéiste et
sectaire. C’est une fois encore, le piège de la ringardisation qui fonctionne à
plein avec dans le même élan, la vieille rengaine de la victimisation. Ce qui est malheureux, c'est qu'elle a commencé son discours par une citation de Mitterrand et qu'elle l'a terminé par une citation, lyrique de Jaurès. Mais cet usage strictement à but œcuménique ne fut pas politique, aussi arriva-t-on à cette situation stupide où Ségolène Royal fit, malgré elle, siffler Jaurès...
Le
discours de Ségolène Royal, qui ne retient de l’action de Lionel Jospin que le
PACS a remis les idées en place pour ceux qui doutaient encore. Plusieurs
camarades ne l’avaient en fait jamais vue faire un discours. Cela a remis les
idées au clair à tout le monde car soit elle était sincère et donc à côté de
son sujet, soit elle jouait un rôle et donc elle se jouait de nous. Tout à
coup, ce discours a décrassé un dispositif vérolé de trop de tactique. Depuis
l’Acropole, la politique se dévoile énormément à travers la rhétorique et de
nos jours, même si on dit beaucoup qu’il faut passer de la parole aux actes,
l’omniprésence de la communication et la toute puissance des médias n’ont fait
que renforcer l’importance de la parole, y ajoutant l’image.
Royal
a toujours usé et abusé de l’image et des artifices de la communication. Ses
partisans, certains disent, ses supporters, pensaient à juste titre jouer, lors
de ce congrès, une sorte de match retour de l’investiture. Il était normal qu’ils
se mobilisent.
Les
grands dirigeants peuvent avoir plusieurs bras droits, parfois plusieurs yeux
et plusieurs bras droits, mais jamais une bouche de substitution pour les
grandes occasions.
Les
grands dirigeants ne doivent jamais rater leur discours lors de ces grandes
occasions. Car parfois, de telles occasions révèlent des destins. Epinay pour
Mitterrand ou, plus près de nous, le discours de Barack Obama à la Convention
démocrate de 2004.
Martine,
elle, a réussi l’exercice. Elle fait « le » discours phare du congrès
comme DSK et Fabius avaient fait les discours marquant du Mans. Le succès a
soulevé des milliers de militants, quelque soit leur motion. Bien sûr, il s’est
trouvé quelques esprits chagrins pour la trouver « démagogique »…Une candidate
était donc née. Mais, elle hésita jusqu’au bout car jamais pour elle, la
direction du PS ne fit visiblement partie d’un destin personnel. Si elle avait
été « présidentiable », comme on dit, elle n’aurait pas hésité une
seconde.
Alors
que les congressistes dînaient, euphoriques ou dépités, c’est selon, en ville,
la Commission des résolutions se réunissait. Bêtement rebaptisée « nuit
des résolutions », comme s’il y avait au PS des Hitler d’un côté et des
Röhm de l’autre, elle fut le théâtre des rigidités les plus imbéciles. Aucun
accord possible car tous ceux qui voulaient s’allier, ne le voulaient qu’en
imposant leurs conditions. Nul doute qu’il y aura des relectures de l’histoire
car ceux qui auront été victimes de leur obstination préféreront être victimes
de l’obstination des autres. Après que Royal eut claqué la porte, comme dit la
presse, puis Bertrand, puis d’autres, la motion D a encore tenté de s’entendre
avec les amis d’Hamon. N’a-t-on pas appris ailleurs qu’il ne fallait jamais
quitter une salle ?
Martine,
dont on disait qu’elle avait mauvais caractère, a finalement été la plus souple
de tous, au point que ce matin, nous ne savions pas si « elle
irait ». C’est dire si pour elle, tout ne se résumait pas à sa propre
personne…
L’anecdote
amusante de ce matin fut lorsque Martine, faisant son discours de candidature,
fit une allusion à Ségolène Royal, puis, se laissa distraire par une araignée
qui faisait je ne sais quoi sur le pupitre. Elle la repoussa d’un claquement de
doigt, disant, badine, « j’ai supprimé l’araignée », reprochant à la
maire de Reims de ne pas avoir veillé à ce que le ménage soit fait. Salle
hilare… Quelques minutes plus tard, Benoît annonça qu’il avait
« tué » l’araignée. Selon l’issue du vote de jeudi, on verra s’il
faut chercher un sens politique à tout cela. Pour le moment, gageons que le
camp des rénovateurs du PS, tisse sa toile pour changer le visage de
l’opposition et de l’alternative dans ce pays.
Je
ne veux pas finir ce billet sans avoir une pensée pour une des amies de Martine
Aubry qui s’est retirée de la vie politique. Il s’agit de Paulette
Guinchard-Kunstler avec qui j’aurais bien aimé partager ce combat. Paulette,
c’est cette ancienne infirmière bisontine, militante du PSU au côté des Lip
avec Piaget et la CFDT, députée du Doubs puis secrétaire d’état aux personnes
âgées qui a mis en place l’Aide personnalisée d’autonomie. Elle incarne les combats d'une gauche populaire solide dans ses racines franc-comtoises, pas du tout impressionnée par les ors de la rive gauche de la Seine...
A
Reims nous ne voulions pas de sacre, mais simplement un choix, par le vote.
Maintenant,
il faut faire campagne pour qu’en moins de cent heures, une majorité de
socialistes apporte son soutien à Martine Aubry pour le premier secrétariat du
Parti socialiste. Il y a trois candidats, trois offres, trois choix, trois
cultures. Il faut choisir celle qui allie modernité, ancrage à gauche et sens
du parti, c’est sans hésiter, celle de Martine Aubry.
Les commentaires récents