Tout socialiste qui a trouvé excessive la réaction de Ségolène Royal à la formule de Jean-Christophe Cambadélis sur « la pétaudière » qu’est devenu le PS, s’est rué sur ses vieux dictionnaires et sur les wiki du web pour scruter la signification du fameux mot. Et sa position s’en est trouvé renforcée. La pétaudière désigne un lieu où tout le monde veut commander. Ca vient de « la cour du roi Pétaud » et certains vont même jusqu’à avancer une origine peu sympathique puisqu’il s’agirait d’une variante de la Cour des miracles. On est donc en droit de se demander si François Hollande n’est pas ce fameux roi qui gouverne une cour de gens indisciplinés, forts en gueule et rivalisant de rustrerie. Or, lui-même accuse le coup avec philosophie en estimant que s’il fallait « punir » chaque responsable qui portait des piques, il ne resterait plus grand monde. Il y en a bien qui expliquent, jusqu’à en faire des livres que la défaite de 2007 est due d’abord à l’organisation Parti socialiste. Ce qui est sûr c’est que la discipline du parti ouvrier telle qu’elle figurait dans la Déclaration de principes de 1905 n’est plus respectée. Si on la relit d’ailleurs, on se prendra à rêver d’une meilleure coordination du parti et des parlementaires et l’on découvrira qu’en ces temps reculés, le cumul des mandats était interdit au PS-SFIO : un élu ne pouvait être dirigeant du Parti et son action était contrôlée par ce dernier.
Dix questions cent réponses
François Hollande n’est certainement pas le roi Pétaud. Mais c’est quand même un curieux premier secrétaire. Surtout, le combat politique pour son entrée dans l’Histoire ne fait que commencer car après onze ans passé à la tête du PS, - plus que Mitterrand et Jospin – l’homme a très peu écrit et donc peu laissé de quoi constituer un héritage pour quiconque voudrait fixer une pensée politique hollandienne. L’intéressé se défendra d’en avoir l’ambition car il ne se « situe pas dans ce chemin-là », mais il ne s’appartient pas entièrement. Il est confronté à une sortie du jeu parce qu’il l’a choisie, mais ce faisant, il n’en maîtrisera pas les accents ou le rythme et la danse risque d’être macabre. Il y aura cent réponses à une question simple : quel est le bilan de François Hollande à la tête du Parti socialiste ? En attendant, les « Dix questions » publiées dans le Monde ont un furieux air de déjà-vu et de déjà lu à ceci près qu’on imaginait qu’un tel texte qui cache mal l’ambition de peser sur le Congrès soit aussi une part d’inventaire car nul ne peut honnêtement penser que l’état du Parti actuel n’a rien à voir avec la manière dont il a été dirigé.
Où en est-on ?
Le périmètre du Congrès commence à quelques semaines du dépôt des contributions, à ressembler à peu près à ceci. Si on prend en compte les désirs des uns et ce qui est réaliste de penser, quatre grandes dynamiques seront à l’œuvre avec des capacités de l’emporter variables. Il y a d’abord « la gauche du parti ». C’est en réalité un pôle conservateur hétéroclite de gens qui rêve d’une version française de Die Linke, mais comme ils ont autant l’intention de la conduire que les amis de Politis sans parler de Besancenot, ça ne peut pas marcher. L’impossibilité structurelle et les blocages psychologiques qui ne permettent pas à un axe Emmanuelli-Hamon-Melenchon- Quilès-Lienemann de se mettre en place constituent pour eux un affaiblissement durable. Pourtant, même si le congrès « se gagnera à droite » comme semblent l’imaginer les observateurs – ce qu’il reste encore à vérifier – le vrai débat politique est avec eux sur le fond.
Car les trois autres groupes ne divergent pas tant que cela sur le fond à quelques nuances près, mais c’est la forme qui creuse les tranchées. Bien sûr, il y a les amis de Bertrand Delanoë qui sont dans une précampagne pour que le maire de Paris prenne le Parti avant de pouvoir présider le pays. Ils justifient leur démarche par la nécessité de répondre à la demande de leadership. Ce qui les conduit à justifier aussi ce qui les différencie de ceux qui veulent d’abord trancher la question du fond avant de s’attaquer à celle du leader. Il y a ensuite les amis de Ségolène Royal qui sont dans une logique qui n’est pas si comparable que cela. Car si avec Bertrand la « case Parti socialiste » est une étape importante, voire décisive, pour Ségolène, « on s’en passerait bien ». D’ailleurs si on creuse sa déclaration sur la discipline dans le Parti, on se dit qu’on aimerait en connaître les critères ainsi que la nature des sanctions car on serait mieux fixé sur les contours du Parti voulu par elle. Ceux qui sont venu au PS parce qu’ils fuyaient le dogmatisme stalinien du PCF ou le sectarisme anachronique des groupuscules trotskistes doivent bien rigoler. Relisez à ce propos les textes de Koestler !
Tout cela est donc à reconstruire. Les reconstructeurs, « quatrième roue » du carrosse sont tellement méprisés qu’ils doivent bien avoir raison ou, à tout le moins, menacer le ronron de ceux qui prétendre convaincre sans débattre. La réunion du 1er juin est importante car elle constitue la seule initiative qui transcende les clivages traditionnels du Parti. Comment peut-on en effet se rassembler sans sortir de chez soi ? Sauf à croire que l’on détient la vérité révélée. Alors, en bon militant, il faut une fois encore relire le vieil Arthur pour que l’on sorte du niveau Zéro de la politique dans lequel on est maintenant et se mettre en situation de mener la gauche vers l’Infini.
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