A l’autre bout de la polémique provoquée par la proposition de Sarkozy de parrainage d’un enfant victime de la Shoah par des enfants ou des classes de CM2, il y a désormais, l’usage du mot et de son synonyme, « holocauste » par des dirigeants israéliens et palestiniens.
C’est une première. C’est grave. C’est dangereux. Matan Vilnaï – l’Histoire ne le retiendra probablement que pour cet usage malheureux – est vice-ministre israélien de la défense. Bien sûr, les traductions recèlent de pièges et de faux amis. Il est vrai qu’en hébreu, « catastrophe » se dit « shoah », mais d’une part, on ne menace pas un autre peuple de « catastrophe » et d’autre part, on se doute bien que le mot a une histoire.
D’après les dépêches d’agence, le mot a été traduit par « holocauste » par certains médias. Il n’en fallait pas moins pour déclancher une polémique dont on se serait bien passé car pendant qu’on s’empaillera sur le poids des mots, le choc des photos des massacres à Gaza continuera à n’intéresser personne et à exacerber le radicalisme islamiste.
Comme toujours, dans cette région, « c’est compliqué ». Sur LCI, certains journalistes quand ils commentent cette actualité ne prennent pas toujours la précaution de distinguer entre « Tsahal », « Israël » ou « l’Etat juif ». Du coup, on se retrouve dans des situations où un pays tout entier se retrouve associé, donc, responsable de violences qu’une partie grandissante de la population réprouve…
Jusqu’à maintenant, l’usage du vocabulaire issu de la deuxième guerre mondiale était la spécialité des antisionistes exaltés qui, pour frapper les consciences n’hésitaient pas, par ignorance ou par provocation, à comparer la politique palestinienne d’Israël à la politique hitlérienne à l’égard des juifs d’Europe.
En France, on l’a vu plusieurs fois. Dans les manifs de 2003 contre la guerre en Irak, alors que les acteurs de la guerre étaient connus – Bush et Blair – certaines organisations pro-palestiniennes trouvaient normal d’affubler leurs banderoles d’étoiles de David associées à des croix gammées avec le signe « égal ».
Dans la propagande anti-israélienne, la « nazification » de l’Etat hébreu pour condamner sa politique palestinienne est un ressort connu. Déjà, pendant la guerre des Six jours, on avait vu circuler au Caire des traductions en arabe de Mein Kamp…
En Israël même, le recours à cette symbolique nazie existe. On se souvient des affiches du Likoud associant Rabin à un officier SS peu avant son assassinat. La travailliste Colette Avital, présidente de la Knesset avait fait une liste (http://pek.blogs.com/pek/2007/02/la_liste_de_col.html) pour interdire aux députés, friands de noms d’oiseaux. Lors des discussions de Taba entre Yasser Arafat et Ehud Barak, la discussion portant sur Jérusalem avait conduit certains extrémistes israéliens à accuser le premier ministre travailliste de faire « pire à Israël qu’Hitler aux juifs ». Bref, alors que sur les plages d’Eilat ou Tel Aviv on peut encore voir des survivants de cette tragédie sans nom, il existe des gens qui n’ont aucun scrupule à jouer avec les mémoires.
Mahmoud Abbas lui-même a utilisé le terme « holocauste » pour désigner la situation.
Ainsi, pour la première fois, ce ne sont plus seulement les antisémites ou les ennemis d’Israël qui prennent le train de la banalisation ou de la relativisation, mais certains Israéliens et des Palestiniens modérés aussi…
Certes, on peut estimer que les traducteurs ont été plus que mal inspirés, et qu’en jouant les apprentis sorciers, ils ont relancé le combat contre la banalisation est l’affaire de tout le monde.
On ne peut même pas accuser le pauvre Matan Vilnai d’arrières pensées politiciennes, cet ancien officier est membre d’Avoda, le Parti travailliste.
Quant à l’hébreu, cette langue de 3000 ans couvre un champ sémantique qui est plus large que le français. Du coup, le mot « shoah » ne renvoie pas à la seule extermination des juifs par les nazis. Mais on voit bien le danger qu’il y a à utiliser le mot au sens « israélien »…
Malheureusement, la disparition des témoins et l’éloignement des événements dans le temps va faire que ce genre de choses risque de se produire dans l’avenir…
Mais sans avoir cette polémique sur l’usage du mot, les affrontements entre Tsahal et le Hamas sont une triste entrée en matière pour le 60e anniversaire de la fondation de l’Etat d’Israël.
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