Outre le décorum, il y a le lieu de l’événement. On tient congrès dans des endroits de plus en plus grands. La salle du Globe, à Paris en 1905 pouvait accueillir à peine 400 personnes. Depuis longtemps, sans pour autant que l’on parle de gigantisme, ce sont dix fois plus de personnes que l’on réunit dans des Parcs d’expositions car même les centres de congrès peuvent se révéler insuffisamment spacieux. Car qu’en marge de la salle plénière, il faut des bureaux et de plus en plus d'espace pour… la presse. Ce genre d’événements peut drainer en effet près de 600 journalistes accrédités et parmi eux, beaucoup de presse étrangère.
Enfin, toujours s’agissant du lieu, la ville d’accueil a son importance. La logistique, la qualité des ressources pour l’organisation d’un tel événement sont des atouts. La dimension politique aussi. Une ville, de préférence de gauche, dans un département, donc une fédération – là aussi acquise à la direction sortante dont on saura mobiliser les militants pour aider à l’organisation.
Les noms des villes qui ont accueilli des congrès socialistes entrent parfois dans l’Histoire. Une des rares villes à ne pas en être est Paris. Le seul congrès de Paris que la mémoire militante a retenu – et encore, ceci lorsqu’elle est savante, c’est un congrès d’importance. Celui de Paris en 1889 était celui de la reconstruction de la Deuxième internationale, après l’échec de la Première, sur les ruines de la Commune.
Le congrès fondateur du Parti socialiste – Section française de l’Internationale ouvrière eut également lieu à Paris, mais dans un lieu qui resta attaché à l’unité des socialistes, la Salle du Globe, en avril 1905.
Paris accueillit bien sûr de nombreux autres congrès socialistes. Le dernier en date fut – dans la mémoire militante – le dernier congrès de clarification idéologique. Signe des temps, il eut lieu à La Défense, d’où le nom qui resta : le congrès de l’Arche. Signe d’alliance après le terrible congrès de Rennes…
Ainsi, les villes marquent autant d’étapes de la longue marche des socialistes. Après le congrès de Paris, on traverse la Loire pour se retrouver sur les rives de la Garonne pour le congrès de Toulouse (cinquième congrès) en 1908 qui fut pour Jean Jaurès l’occasion de prononcer un discours mémorable qui précise l’idée socialiste, ce que la déclaration de principes de 1905 faisait insuffisamment.
Le 18e congrès se tint vers Noël à Tours en 1920. Le plus connu des anciens congrès de la SFIO puisque ce fut celui de la rupture. Trois quart des congressistes décident de rejoindre la IIIe Internationale. C’est à ce congrès que Léon Blum fit un discours à la fois lucide et prémonitoire sur la véritable nature du bolchevisme russe et qu’il décida de rester « garder la vieille maison ». Depuis, de nombreux dirigeants n’ont eu de cesse de rêver d’un « congrès de Tours à l’envers »…
Est-ce à cause de la chaleur et du farniente estival qu’on a oublié que le congrès de 1946 eut lui aussi lieu à Paris en août ? C’est à ce congrès que Guy Mollet devint secrétaire général du Parti, battant Daniel Mayer, malgré le soutien dont celui-ci bénéficiait de la part de Léon Blum.
Depuis les origines, les congrès socialistes se tenaient quasiment tous les ans. D’où le fait qu’on en oublie…
En 1969, les congrès d’Alfortville et d’Issy-les-Moulineaux consacrent la fin de la SFIO et la naissance d’un éphémère Nouveau Parti socialiste avant de passer de l’autre côté de la banlieue parisienne pour Epinay-sur-Seine, en 1971. Là, en juin, François Mitterrand pris la tête d’un parti dont il n’était pas membre quelques jours encore auparavant. « Epinay » est encore une icône dont on ne cesse de dire depuis trois ans que « le cycle s’est renfermé » tout en souhaitant un « nouvel Epinay ».
Parce que les dates sont plus récentes, les villes restent mieux en tête : Grenoble en 1973, Pau en 1975, Nantes en 1977 après la large victoire des socialistes aux municipales et où Michel Rocard prononça son célèbre discours sur « les deux cultures » et où on découvrit la fameuse chanson « ici et maintenant ». A Metz en 1979, après la défaite aux législatives de 1978, où l’on vit un affrontement entre rocardiens et mitterrandistes.
Les mémoires n’ont pas oublié Valence en 1981 après la victoire du 10 mai, là où Paul Quilès prononça son fameux discours sur « les têtes qui vont tomber ». sur un plan plus politique, on entama là un début de réalisme d’où la formule de « compromis social » suggérée par Poperen à la place de « rupture ».
Le congrès de Bourg-en-Bresse est celui où l’on vit naître la fameuse et curieuse motion « néo-rocardienne » d’Alain Richard et Marie-Noëlle Lienemann…
En 1985, les socialistes retournèrent à Toulouse pour y faire une timide conversion à la « social-démocratie ». Y triomphèrent Laurent Fabius, alors premier ministre, et Michel Rocard.
Au congrès de Lille de 1987, le parti rejette le centrisme.
En 1990, le congrès de Rennes se déroula dans des conditions telles, qu’il marqua les esprits à jamais.
Mais que s’est-il passé en fait au congrès de Rennes ?
Autant les congrès précédents furent « idéologiques », autant celui de Rennes, deux ans après la réélection de François Mitterrand fut tout sauf idéologique, malgré l’adoption d’une nouvelle déclaration de principe. Querelle entre les « héritiers » du mitterrandisme qu’étaient les jospinistes et les fabiusiens, tentative pour les rocardiens de pousser leur avantage suite aux succès qu’ils avaient obtenu au gouvernement ? Aucune motion ne se démarqua de manière suffisamment nette pour qu’on y voie clair. Dès lors, les courants, dépouillés de leur ligne, n’étaient plus que des clientèles. Le parti se déchira sous les caméras et le congrès se termina sans direction.
Cela reste comme une blessure car c’est là que beaucoup de haines se sont cristallisées – il faut dire la vérité – l’anti rocardisme ou l’anti fabiusisme n’ont plus rien de tangible de nos jours !
Le congrès fit image pour la presse qui croit percevoir depuis, un « retour de la momie rennaise » dans chaque controverse ou dispute socialiste depuis. Le traumatisme fut tel qu’il anesthésia pour longtemps le Parti. Jospin et Hollande eux-même décrétèrent « la fin des courants » après 1995 sans que cela ne fut suivi d’effets. Un peu comme s’il fallait tout étouffer pour que Rennes ne revienne jamais…
Au congrès de l'Arche, on renoua avec l'idéologie, ce qui se poursuivit également à Bordeaux puis à Lille.
En 1994, à Liévin, une large majorité totalement incohérente se rassembla. C'est là que la "motion 2" de ce congrès se singularisa. Rarement dans l'histoire des congrès socialistes d'ailleurs, une motion a autant duré au delà du congrès puisqu'encore aujourd'hui c'est un marqueur identitaire (de moins en moins concédons-le). C'est d'ailleurs la première fois depuis longtemps que le PS tenait congrès dans une ville moyenne, voire petite. Mais là-bas, le vote PS dépasse régulièrement les 90 % !
Les congrès de Brest et de Grenoble furent les congrès du temps béni de la gauche plurielle au pouvoir alors que celui de Dijon, en 2003 devait permettre de remettre le PS sur les rails après la terrible défaite de 2002, à Dijon comme au Mans deux ans plus tard, on préféra l'union à la clarification.
En guise de conclusion partielle de ce tour de France jamais terminé, le PS a réussi le tour de force de ne jamais changer véritablement de majorité depuis 1946. Mais cela, c'est une autre histoire...
Le futur congrès de Metz ne peut alors qu'être le congrès de Tours à l'envers, le PC dans sa dérive idéologique ne peut que scier la branche sur laquelle il est assis, la fin de la pensée marxiste, la fin du concept de dictature du prolétariat, la fin de l'accaparement des moyens de production, le respect de la propriété individuelle et le respect de la démocratie ne lui laissent plus aucune respiration politique. C'est donc en plus du rabibochage des rocardiens et mitterrandistes sur l'économie de marché, l'acceptation du libéralisme et le rejet de l'ultra-libéralisme l'union totale sur les thèses réformistes et sociales démocrates que le courant de DSK incarne à merveille aidé par la voix de Pierre Moscovici. Metz s'impose symboliquement alors, c'est évident, nous tenons les clefs de la vieille maison de Jaurès, ouvrons porte et fenêtres, laissons circuler lumière et vent nouveau, accueillons tous les égarés errant l'âme en peine. C'est notre vocation.
Rédigé par : jpb | 25 mars 2008 à 11:21
Bonjour Pierre,
J'aurai 2 questions:
- Connais tu un ouvrage sur l'histoire de nos congrès ?
- Est-ce vrai que le 75ème congrès va se faire sur Toulouse ? j'ai lu ça dans la presse.
Rédigé par : Pablo | 25 mars 2008 à 18:23