L'affaire tibétaine est un grand moment d'hypocrisie. Tous les communiqués, de l'ONU à celui de Nicolas Sarkozy reprennent le même mot. On appelle la Chine "à plus de retenue". Dans quoi ? Sa gestion, lisez sa répression, de la révolte tibétaine.
On a fait du Dalaï Lama une star avec qui il est de bon ton de s'afficher ou qu'il faut aller voir quand il vient à Bercy. Cela dit, recevoir le Dalaï Lama qui n'est qu'une autorité religieuse et en rien le leader incontesté du mouvement tibétain - d'ailleurs, dans le mouvement actuel ses positions sont modérées et il ne prône ni l'indépendance, ni le boycott, est devenu la nouvelle audace. Ca ne fera jamais que la énième fois qu'on le fait. Et pour quel résultat ?
On n'a pas attendu les images récentes pour savoir pourtant que depuis plus de 40 ans, le conflit entre le Tibet et la Chine empoisonne la région. Mais comme la Chine est un géant économique, la démocratie et les droits de l'homme, tant qu'on n'aura pas démontré qu'ils font monter le Nasdaq et le Dow Jones, sont des "valeurs secondaires".
La démonstration est faite. La Chine intimide et ce n'est pas nouveau. Depuis longtemps, les visites officielles à Beijing se font plus avec des patrons que des amis des droits de l'Homme.
Alors la grande question : faut-il boycotter les jeux olympiques ?
Depuis Berlin en 1936 et Munich en 1972, la question est posée. La politique peut-elle tenir l'idéalisme du sport ? A l'évidence, le sport a toujours été instrumentalisé par la politique. La dimension idéologique du sport dans les régimes staliniens le démontre amplement. On a bien vu comment en 1956, lors des jeux de Melbourne, les Hongrois et les Soviétiques s'étaient foutu sur la gueule. En protestation à l'agression de l'URSS contre l'Afghanistan en 1980, quelques pays, dont les Etats-Unis avaient boycotté les jeux de Moscou. Comme par hasard, les jeux suivant eurent lieu à Los Angeles. Ils furent boycotté par plusieurs états satellites de l'Union soviétique.
Qu'on le veuille ou non, la politique se mêle de sport et vice versa.
Le boycott est un geste symbolique alors que les J.O. sont une formidable opération de relations publiques, politiques et financières... Les absents ont toujours tort. Ce sera en revanche la première fois que depuis la Chine, il sera possible de dire des choses au monde en débordant la censure. Le boycott est-il le moyen de se donner bonne conscience ou est-il un moyen de pression efficace ? N'y en a-t-il pas de plus puissant ? En visant le pays de Sun Zi, on devrait faire preuve de plus de sens stratégique et moins d'idéalisme petit bourgeois bien pensant ! La Chine de 2009 n'est pas l'URSS de 1980, elle ne va pas vasciller parce que quelques milliers d'Occidentaux de passage auront montré leurs muscles pendant 55 jours. Elle pourra faire sembler de s'ouvrir pour mieux se refermer après. Quand aux sanctions économiques, elles sont plus efficaces. Mais dans le sens où elle pourrait "punir" les donneurs de leçons.
Je me souviens de Tommie Smith à Mexico en 1968, avec son poing levé, lui et John Carlos ont probablement plus fait pour la contestation que s'ils n'avaient pas été présents aux jeux. De plus, leur carrière en fut ruinée. Là, une brochette d'athlètes et de chefs d'état sera probablement plus éloquente. Encore faut-il le vouloir. Quand la démocratie mondiale s'éveillera, peut-être saura-t-on pousser la Chine à aller plus vite dans la Longue marche vers la liberté. Sans retenue...
Au sujet d'un boycott des JO, je pense que cela ne ferait que vexer le peuple chinois qui embrigadé
dans la propagande du parti ne comprendrait pas la position du reste du monde.
Allons à ces jeux, c'est une tribune incroyable pour s'adresser au peuple chinois.
C'est à lui qu'il faut convaincre, pas le parti.
A ce propos, certains athlètes proposent de porter un ruban vert lors des épreuves en signe de protestation, tel le perchiste Romain Mesnil. Ce sont des symboles que des millions de chinois vont voir et que le gouvernement va avoir du mal à expliquer…
Rédigé par : Tom | 27 mars 2008 à 08:48