Alors que l’on s’avance vers la dernière ligne droite des élections municipales, le Parti socialiste est confronté à une question essentielle : celle des alliances avec le Modem. Depuis l’automne on la voyait venir. Il ne s’agissait pas d’une réflexion de la direction du Parti procédant d’une tentative de caractérisation du parti de François Bayrou, mais d’un fait accompli devant lequel on se retrouvait après les choix faits dans quelques villes importantes du pays.
Un scénario semblable s’était produit entre les deux tours de la présidentielle, de manière désordonnée d’ailleurs. Tout cela levait brutalement le tabou des alliances avec le centre.
Le constat de départ est simple. La somme des voix de gauche – le Parti socialiste et ses alliés traditionnels – est insuffisante pour battre la droite. Avec un Parti communiste crépusculaire et des Verts groupusculaires c’est la fin à cette grande loi électorale de gauche vieille de 70 ans : l’alliance des forces de gauche rend la majorité accessible. « Rassembler à gauche », était le slogan classique des motions de congrès. Mais l’arithmétique s’est substituée à la politique. Certains esprits pourraient penser qu’entre les alliances avec le centre et la participation à des gouvernements de droite, tout est question de nuance, mais c’est faux.
Pour conserver la majorité ou pour la conquérir il faut trouver d’autres alliés, des voix autre part. Faut-il que ce soit au centre, vers la droite ?
L’irruption d’un Modem constitué sur les ruines de l’UDF chrétienne-démocrate enrichie de quelques transfuges des Verts ou du Parti socialiste et de « gens qui auraient voté PS si DSK avait été candidat » a rapidement changé la donne. Sans qu’on cherche bien longtemps à cerner ce parti, on a vu en lui le supplétif électoral idéal pour compenser par la droite ce qu’on perdait à gauche. L’antisarkozysme suffisait. Pourtant en Italie, Romano Prodi a appris à ses dépends que l’anti-berlusconisme, ça ne fait pas une politique.
À l’évidence, la pratique municipale constituera un précédent qui permettra de valider la pertinence de cette nouvelle alliance à ceci près qu’elle ne dit pas son nom.
Les adversaires de cette nouvelle alliance ont trouvé de nouveaux arguments à la lumière des pourparlers de nos amis du SPD en Hesse.
Mais il convient de considérer la situation allemande dans sa globalité. Le SPD, que certains jugent en réalité plus à gauche que le PS, quand il gouverne avec la CDU c’est sur la base d’un accord sur un contrat de gouvernement dans lequel sont précisés les éléments programmatiques pour assurer la gestion des affaires du pays.
Il faut savoir quitter l’arithmétique pour revenir à la politique parfois. Le SPD pâtit de la popularité du gouvernement Merkel que même ses amis de la CDU n’attendaient pas. Il craint que le bénéfice de ce succès ne lui revienne pas. Mais, les Allemands ne voient pas dans Die Linke qu’une alternative de gauche, ils y voient aussi, pour les uns, la trahison de Lafontaine et pour les autres, la survivance de l’ex-SED, le parti stalinien de l’ancienne RDA avec lequel d’ailleurs nos camarades travaillent dans les länder de l’est du pays. Pour les Français, c’était mécanique d’envisager une alliance SDP, Verts, Die Linke. Pour les Allemands, ça n’allait pas de soi.
En France, une discussion sur le Modem s’impose. Il faut en saisir la nature, les contours et les contradictions. Doit-on s’allier ici avec un parti qui là s’allie avec l’UMP et qui fera le contraire ailleurs demain ? Alors que du Congrès d’Epinay aux Assises de la transformation sociale, le Parti socialiste a théorisé ses préférences et choisis en conséquence ses alliances. Etant dans l’opposition suite à deux cuisantes défaites et en proie à une crise profonde, il prenait en compte le nouveau paysage de la gauche et recherchait de nouvelles dynamiques unitaires à construire.
La situation en 2008, quinze ans après est-elle meilleure ? La gauche est aussi en quête, mais cette fois, le PS ne prend pas d’initiative dans son camp. Si un « grand parti de toute la gauche » devait émerger, il occuperait un espace plus large que jamais, mais on voit petit en cherchant l’appoint d’une formation politique volatile. Le désir impérieux du pouvoir immédiat, s’il permet de gagner, doit nous préserver de la dépendance à l’égard d’alliés turbulents – ce qu’on a reproché aux Verts – qui demain pourraient nous tenir en laisse.
Ce qui se passe en Israël ou en Italie est assez éloquent de ce point de vue. Quoiqu’il en soit, la reconstruction du PS, ne pourra pas être complète sans reconstruction de la gauche, ce qui signifie une évolution assumée vers une forme de social-démocratie qui construit objectivement un centre gauche en posant la question au Modem à partir d’un PS influent et rayonnant, qui représente un nouveau débouché pour les déçus des aventures groupusculaires à gauche. La maison commune de la gauche dont nous avons besoin tiendra ainsi compte d’une arithmétique qui cette fois se mettra au service de la politique.
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