La gauche, pour être moderne, doit-elle se droitiser ? C'est ce qu'on a toujours reproché à la gauche. On a toujours pensé, par exemple dans les années 90, que "gauche moderne" rimait avec "social-libéralisme - entendez "dérive droitière". Il est vrai que Jean-Marie Bockel en fut la démonstration jusqu'à la caricature...
Mais la modernité de la gauche, ce n'était pas, ce n'est pas sa droitisation, c'est son "actualisation" par rapport à ses perceptions classiques pour qu'elles demeurent toujours actuelles et en phase avec la nature, parfois nouvelle des problèmes.
S'agissant de la droite, on l'a vu pendant la campagne, Nicolas Sarkozy ne réveillait pas les mânes de Maurras ou Barrès mais de leurs contemporains de gauche qu'étaient Jaurès et Blum. Hier encore, il a fait fort en invitant Tony Blair à la convention de l'UMP. Un coup d'autant plus facile que Blair et la gauche française, à l'instar des relations entre le New labour et le PS sont équivalentes à l'humeur des tabloïds d'outre-Manche pendant la semaine qui précéde un déplacement du XV de France sur la pelouse de Twinckenham. Et pourtant, quelqu'un comme Denis McShane est assez unique. Denis est le britannique qui connaît le mieux le PS, de la manière la plus intime. C'est le seul a écrire sur nous ou à notre attention dans la presse française. Voilà de l'internationalisme en acte. Et pourtant ! On ne lui répond pas. On ne controverse pas avec lui. Une fois qu'on a dit "blairisme", la messe est dite si j'ose dire...
D'ailleurs la conversion de Tony Blair au papisme est un élément assez intéressant. Pour les Britanniques, la tentation de Rome vaut bien une tête. Quand les Stuarts ont gouverné au XVIIe siècle, on sortait de l'âge d'or élisabéthain. Les mariages avec les princesses françaises conduisaient les monarques à flirter avec la religion catholique. Cela coïncidait avec l'accroissement des revendications d'autonomie du Parlement emmené par les Communes où les puritains étaient très actifs. Aucun roi d'Angleterre ne pouvait changer de religion depuis la rupture engagée par Henry VIII qui faisait du souverain le chef de l'Eglise d'Angleterre.
Charles Ier fut d'ailleurs renversé par la révolution de 1640 et il fut décapité.
C'est ce passé ancien qui a retenu l'ancien premier ministre dont les sympathies pour le papisme étaient connues.
Un lien de plus avec la droite française dont on se dit que décidément, quand on regarde la proximité que l'UMP et Sarkozy entretiennent avec Aznar, Berlusconi et Bush, en 2003, si Sarkozy avait été au pouvoir, la France aurait probablement participé à la guerre en Irak...
Après le débauchage de quelques uns qui à gauche n'en pouvaient plus, Sarkozy a annoncé le débauchage de Joe Stiglitz et Amartya Sen. C'est comme les comités de soutien, on aligne les noms de gens prestigieux pour s'en prévaloir sur le plan de l'image - il y a eu aussi la tentative d'instrumentalisation d'Edgar Morin - mais c'est surtout parce qu'à droite, rares sont les pères fondateurs qui soient fréquentables. La droite fait faire sa fête à Mai 68 dans quelques semaines. Rappelons-lui qui elle soutenait alors. Alors que la gauche démocratique était sans ambiguïtés à l'égard des totalitarismes d'où qu'ils soient - de Prague à Gdansk, la droite a toujours soutenu les dictatures comme celle de Pinochet. L'anticommunisme a conduit à beaucoup de collusions avec les massacreurs latino-américains. Nos gendarmes ont même formé les leurs dans notre pays.
Mais la gauchisation de la droite conduit aussi à des contradictions que le Président lui-même peine à surmonter. D'ailleurs on l'a vu en quelques temps. Le démantèlement du service public, la contre réforme qui réduit la laïcité, l'eugénisme social, la discrimination économique, le darwinisme dans l'éducation et la prévention de la violence, tout cela n'est pas très progressiste.
Si la droite tente de capter le mouvement propre à la gauche, elle ne pourra jamais cesser d'être le parti conservateur. D'ailleurs c'est ce qu'elle est et c'est que qu'il faut lui renvoyer à la figure. Nous n'avons pas à lui faire crédit de ses succès tant ils sont fictifs et tant ils cachent un visage plus dur, celui, je le dis, de la réaction.
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