Bien que l’intérêt des médias français et des milieux politiques pour la primaire américaine est plus grand que les fois précédents, chacun saisit-il ce qu’elle a de passionnant ? Bien sûr, parce qu’elle constitue le premier acte de l’après Bush. Aussi à cause de la popularité des deux principaux candidats démocrates que les milieux de gauche suivent depuis longtemps. Surtout parce qu’on a là la configuration la plus ouverte depuis longtemps. On n’a ni président, ni vice-président sortant en lice. C’est donc, sur tous les niveaux, du neuf à 100 %. Même si ce n’est pas obligatoirement du « jeune ».
Côté démocrate, indéniablement, le « casting » fait rêver. Hillary Clinton a séduit le public européen, sans rien faire d’ailleurs en ce sens depuis la présidence de son mari. En fait, avec elle, on avait retrouvé l’image d’une first lady engagée comme avant elle Eleanore Roosevelt.
C’est au nom du souvenir des années Clinton et de son succès politique personnel qu’elle jouit aujourd’hui de cette force. Sans y ajouter bien sûr ses idées. Obama, c’est bien sûr l’autre nouveauté car, un Afro-américain au sens littéral du terme avec son profil, ça aussi c’est neuf. Mais il ne semble pas que les clivages idéologiques ou les options programmatiques soient si énormes, si irréconciliables entre eux deux.
Côté républicain, c’est plus contrasté. John McCain est certainement bien armé, mais son âge et sa santé, ainsi que son tempérament ne sont pas ses meilleurs atouts. Rudy Giuliani est trop gauchisant pour l’électorat conservateur dont les convictions religieuses et morales commence à être pondérées par les questions économiques, qui, une fois encore, vont jouer un rôle majeur dans le choix des candidats.
Quant à Huckabee, il ne plaît pas à tous les conservateurs et s’agissant de Romney, il semble qu’il fasse les frais d’une croisade anti-mormon menée par certains milieux évangéliques.
Le vote « noir » n’ira pas automatiquement à Obama. Non seulement parce qu’il n’est pas « un des leurs » comme les leaders traditionnels issus du mouvement des droits civiques, mais aussi parce que pour la communauté, le « premier président noir », c’est Bill Clinton. D’ailleurs, depuis qu’il est revenu à la vie civile, l’ancien locataire de la Maison blanche a élu domicile pour ses bureaux dans le quartier noir de New York, en plein Harlem.
Tout est donc ouvert. Une question taraude les stratèges de ce côté-ci de l’Atlantique cependant. Autant dire qu’elle a peu de chances d’influencer les caciques du Parti démocrate. C’est la question du ticket. Puisque Clinton et Obama sont si populaires, pourquoi, dans un sens ou dans l’autre former un ticket ?
La chose est improbable pour plusieurs raisons. D’abord, le profil du poste fait qu’un vice-président ne peut être le lot de consolation pour quelqu’un qui a choisi d’être le numéro « un ». C’est comme lorsque les amis de Ségolène Royal disaient non sans une certaine condescendance que Dominique Strauss-Kahn ferait un très bon premier ministre. La personnalité d’Obama et de Clinton ne permettrait pas à l’un des deux d’être le vice-président de l’autre. Chaque président imprimant sa marque à la fonction, l’Histoire a montré que les présidents charismatiques ont souvent eut des vice-présidents effacés, souvent perdants d’ailleurs sauf quand ils gagnaient faute d’adversaire crédible. Truman n’était pas le meilleur candidat démocrate, mais, constitutionnellement, il avait du son arrivée dans le Bureau ovale à la mort de Roosevelt. Nixon fut battu dans les conditions que l’on sait par Kennedy et il ne gagna que parce que Johnson, qui n’a pas marqué les mémoires – ce qui est injuste – ne se représenant pas, le candidat démocrate survivant, après l’assassinat de Bob Kennedy, Hubert Humphrey devait traîner le poids de la guerre. Enfin, Ford fut battu en 1976 et Mondale en 1980. La seule exception récente fut George Bush père en 1988. Seul Al Gore, candidat aux primaires de 1988, fut un vice-président de poids, encore que son aura a augmenté depuis qu’il se présente comme « l’ex-futur président » et qu’il se bat pour la planète.
Un deuxième argument est que si on avait un ticket Obama-Clinton ou Clinton-Obama, il émergerait alors, disons-le ironiquement, une nouvelle minorité politique, les hommes blancs ! De même, on parle de Bill Richardson comme vice-présidentiable. Le gouverneur du Nouveau-Mexique représenterait le sud et surtout l’ouest. En plus, comme son nom ne l’indique pas, c’est un « hispanique »…
Mais les intéressés ne sont pas dans ces calculs. Quand on livre un combat politique, il faut parfois, savoir ne pas viser la deuxième ou la troisième place, mais la première.
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