"Reconstruction" est le nom du courant historique des rocardiens. Il a existé dans l'UNEF-ID et aussi dans le PS. Autant dire que tout ne sort pas toujours de nulle part. Ceux qui ne croient pas dans ce processus se moqueront des précautions de langage : "rénovation, reconstruction" tout cela se vaut. Mais justement, pour gagner en 2012, comme n'aurait pas dit Henri IV, le PS vaut bien une reconstruction.
Depuis 2002, seuls les amis de Dominique Strauss-Kahn et de Martine Aubry se sont attelés à un travail politique et intellectuel de réflexion. Cela a donné les travaux d'À Gauche en Europe et les publications de Réformer. Peu, sur le plan strictement idéologique opposait les deux membres de l'ancienne charnière du gouvernement de Gauche plurielle dirigé par Lionel Jospin dont il faut toujours rappeler qu'il est lui-même issue d'une entreprise, les Assises de la transformation sociale "commandées" par Michel Rocard, "soutenues" par Jospin et "animées" par Cambadélis. Le désir de rapprochement vient de là. Si les socialistes d'alors furent capables de se reparler avec d'autres composantes de la gauche, ils devraient pouvoir en faire autant avec des gens de leur propre parti.
Quand on a expliqué que tout l'enjeu du gouvernement Jospin et pour la gauche ensuite, c'était de créer les conditions d'une nouvelle alliance entre les classes moyennes et les classes populaires, ce sont Laurent Baumel et Henri Weber qui l'ont formulé dans un livre.
Certes, si on fait l'impasse sur le travail idéologique pour ne retenir que les configurations tactiques qui en découlent à l'heure où on parle, on se fait inutilement peur. Avant de chercher les alliances, il faut trouver les convergences.
Au MJS, les courants Pluriel, AJS et maintenant Convergences réformistes ont toujours su allier leur forte identité et la nécessité de l'ouverture. La rénovation du MJS que l'on portait entre 1998 et 2002, combat dur qui a traumatisé et blindé trois générations de militants - eh oui, au MJS, les temps sont courts - s'articulait en effet sur la rénovation des pratiques, l'ouverture du MJS sur la Jeune gauche et sur l'idée que pour tirer la gauche dans le bon sens, il fallait en être le poil à gratter. Si pour les jeunes le congrès de Lamoura fut traumatisant, les congrès de Paris et de Bordeaux du MJS ont démontré que finalement, nos idées avaient fini par s'imposer.
Dans le Parti socialiste d'aujourd'hui, un clivage majeur est apparu pendant la campagne des primaires. Clairement, "social-démocratie" n'était plus un gros mot. Nettement, si on prenait Royal au sérieux, son corpus idéologique, qu'il soit cohérent ou pas posait des questions graves sur la nature du Parti, le rapport à la modernité, à la gauche et à la manière de conquérir le pouvoir. C'est un clivage identitaire. Ségolène Royal l'a dit, elle n'a pas besoin du PS pour gagner, même si, plus tard elle en a revendiquer la direction. On a bien vu qu'il y avait deux cultures et que les partisans du respect de l'organisation transcendaient les vieilles querelles au risque de passer pour des ringards. En face, il y avait les liquidateurs. Ceux qui dans le culte de Ségolène vouaient le parti aux gémonies parce qu'ils le trouvaient vermoulu. On connaît les accusations : le PS n'a pas aidé la candidate, mais la réalité est que la candidate s'est défiée systématiquement du Parti.
Historiquement, les socialistes ne réduisent pas le travail du PS à la présidentielle. La gauche croit dans l'importance des corps intermédiaires et du mouvement social. Le travail dans la population a son importance.
Le PS doit-il se transformer en Parti présidentiel tout entier subordonné au choix d'un candidat ? Où doit-il au contraire prendre acte de son incapacité à relever en vainqueur les enjeux nationaux et se replier sur les pouvoirs locaux puisqu'il détient 24 régions sur 26, la moitié des départements et une bonne partie des grandes villes ?
Le PS a trop longtemps reporté aux calendes grecques la questions stratégique, la question programmatique et la question de leadership.
Aujourd'hui, on ne peut plus reculer. L'innovation politique a, depuis quelques années changé de camp. Tout ne se régule pas de lui-même, même en politique, la "main invisible", ça ne marche pas !
Quel socialisme dans la mondialisation ? Quelle organisation dans un monde où la part de l'individu, l'identité ou la notion d'engagement n'ont plus le même sens qu'il y a encore 15 ans ?
Comment faire des propositions politiques durables à l'heure de la démocratie d'opinion et du zapping électoral ?
Comment intéresser des gens à la politique alors qu'ils ont un rapport consumériste à la vie en général ?
Comment être de gauche quand on veut rompre avec l'utopie ?
Autant de questions qu'on ne peut trancher par des évidences, un scepticisme de principe ou une banalisation du discours. La reconstruction ne procède pas d'une approche masochiste car elle n'est pas attentiste. Elle prétend faire l'examen objectif de ce qui ne va pas et de ce qui va pour construire d'abord un diagnostic, puis proposer une thérapeutique.
Alors bien sûr, en termes d'appareil, on parlera du choix des "grosses fédés" au bout du bout. Si cette démarche fonctionne au sommet avec les "chefs" qui se voient et qui bossent sur des textes et à la base avec des militants qui créent une culture commune, il pourrait arriver un moment "la mayonnaise prendrait" suffisamment pour que l'on résiste aux intimidations ou aux invitations à la prudence qui seraient récompensées bientôt par des mandats ici ou là. En sachant que les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent et que se compromettre parce qu'on ne croit plus en rien d'autre que la lutte des places n'est pas à proprement parler une forme de "rénovation", pour une fois, il faut donner sa chance à la reconstruction.
Euh, Reconstruction c'était surtout le courant marxisant au sein de la CFTC qui a permis la déconfessionalisation de la centrale et de passer à la CFDT en 1964.
Sinon pour le MJS faut laisser tomber, c'est définitivement mort...
Rédigé par : Diego de passage | 26 janvier 2008 à 11:41
Rien n'est mort au MJS...
Le travail fait pour le manifeste est intéressant. Mais il ne faut pas se laisser rattraper. Il faut retrouver l'attrait pour les idées, se nourrir des intéllectuels etc.
Finallement quand on entend Vincent Peillon, par exemple, c'est très intéressant. Qu'est-ce qui nous sépare de lui, à part la personne de Ségolène Royal, et la stratégie présidentialiste ?
C'est quand même dommage que l'on n'arrive pas à se retrouver sur une ligne idéologique, avec de nombreux partisans de Aubry, Delanoe et Royal, solide et majoritaire, pour clairement poursuivre une rénovation de fond, et construire une vision, une alternative, un programme.
Rédigé par : jani-rah | 28 janvier 2008 à 12:17
Certes, on peut remonter à la nuit des temps. Se retrouver sur une ligne idéologique majoritaire n'a pas de sens si on diverge sur les orientations stratégiques. Si tu as lu le texte, ce dont il est question c'est justement le fait que la démarche des reconstructeurs ne se subordonne pas à la question des présidentielles. C'est notre désaccord avec Ségolène Royal. Un arc majoritaire comme celui que tu décris a en effet gouverné le PS entre 2002 et 2007. On en a vu les conséquences.
Rédigé par : Pierre Kanuty | 28 janvier 2008 à 15:48
"Depuis 2002, seuls les amis de Dominique Strauss-Kahn et de Martine Aubry se sont attelés à un travail politique et intellectuel de réflexion."
C'est un peu présomptueux, "seuls" machin et machine ont travaillés ! .. Pourquoi une telle affirmation ?
Beaucoup d'autres travaillent également depuis 2002 (et même avant). Peut-être ne vous intéressez vous pas à leurs travaux, mais tout de même !
Rénover Maintenant, Démocratie et Socialisme, Transformer à Gauche (et maintenant La Forge) ont pondus pas mal de nouvelles idées, de réflexions ... Il n'y a pas que "Le Manifeste" !
Rédigé par : Syllvain | 30 janvier 2008 à 10:31
Tu as raison Syllllvain. Mais ce que tu as cité, sont des courants minoritaires du Parti, donc, ils sont toujours plus "bosseurs" qu'une majorité qui est un peu blasée. Par contre pour la pertinence des réponses, je ne sais pas si Démocratie et socialisme c'est mieux que Socialisme et démocratie :)
Rédigé par : Rocky Marciano | 30 janvier 2008 à 10:57
"sont des courants minoritaires" ..
Tu veux dire "étaient des courants minoritaires". Rien ne prouve qu'ils le soient toujours.
S&D est aussi un courant minoritaire (et quasiment tous les courant sont minoritaires), sauf qu'il n'a pas eut le courage (ou au contraire a eut l'intelligence) de partir sur une motion propre à S&D au congrès du Mans, et à préféré faire une pré-synthèse à travers la motion A.
Sur la pertinence des analyses, il est difficile sans être présomptueux de dire où est la vérité vraie ... mais effectivement S&D et D&S partent sur des postulats de base différentes et n'utilisent pas les mêmes prismes pour analyser les problèmes ..
Rédigé par : Sylvain | 31 janvier 2008 à 13:43
J'apprécie ton article pek, je m'y retrouve totalement. Ayant adhéré en 2002, je ne me suis jamais senti plus socialiste que lors des séances de travail d'A gauche en Europe ou des assises de la transformation sociale (alors que je n'etais pas encore adhérents).
On a l'obligation de reprendre le travail idéologique. Quant au leadership, sans base solide je ne vois pas l'interêt, je ne veux pas que le PS devienne, à l'instard d'autres partis, un parti bonapartiste.
Rédigé par : karim | 06 février 2008 à 14:22