Le nom de baptême est acquis. On les appelle les « reconstructeurs ». La presse, et donc les militants socialistes qui cherchent à en penser quelque chose, les considèrent moins sur la base de ce qu’ils disent que sur leur passé. Ce serait une alliance des « anti », enfin un front unique, mais animé d’un seul objectif : « ni Delanoë, ni Royal ». Il y aurait Socialisme & démocratie, Rénover maintenant, Réformer de Martine Aubry et des amis de Laurent Fabius. Cette somme de noms et de courants reste encore illisible car finalement, l’essentiel n’est pas là.
Si on a l’intelligence de se demander ce qu’Alain Bergounioux, Henri Weber, Bernard Soulage, Michel Rocard ou Claude Bartolone ont à se dire, on y verra autre chose qu’un simple mécano d’appareil destiné à contrer deux présidentiables ou la réédition des synthèses molles du passé.
« Du passé faisons table rase » serait-on tenté de dire pour justifier la démarche. Le Monde (et le PS) doit changer de base poursuivrait-on pour emporter les dernières hésitations. Mais non. Un bon moyen de donner sa chance à cette démarche reste encore l’Histoire.
L’Histoire de ces courants ou des courants du PS que l’on retrouve dans l’initiative des Reconstructeurs justifie pleinement leur démarche.
D’abord, ces courants, dans une période récente se sont séparés de la majorité du Parti, que nous-mêmes, n’avons jamais eu le cran de quitter. Du coup, ils ont dû formuler leurs désaccords et construire une alternative politique. Bien sûr, rien n’était achevé et beaucoup devait aux manœuvres, mais il y a eu une prise de distance.
Ensuite, n’a –t-on pas accusé depuis toujours les « fabs » d’être des « droitiers » ? Fabius ne fut-il pas avec Rocard, chacun à sa façon, un des premiers chantres de la modernité du socialisme dans les années 80 ?
Montebourg n’a-t-il pas, avec sa C6R procédé à une remise en question systématique d’une Ve République que les socialistes, dès l’origine ont, pour une bonne partie combattu – une des scissions majeures de la SFIO en 1958 reposait aussi sur le rapport au gaullisme ?
Mais tout cela peut paraître loin. Alors on pensera aux haines structurantes. Pour un rocardien et un jospiniste, quand cela avait encore du sens, il y avait deux ennemis irréductibles : la Gauche socialiste des Dray-Lienemann-Mélenchon et les fabiusiens. C’était Satan et Belzébuth en personne. Depuis, on voit bien que tout cela est derrière nous.
Le Fabius de Bercy n’était ni plus ni moins« étatophile et dépensolâtre » que son illustre prédécesseur. Il a rêvé du FMI, l’autre y est aujourd’hui. Et alors ?
Reste donc, l’Europe. Un mur entre deux parties du parti. C’est encore une divergence, mais pas sur l’essentiel : le projet européen. Quelle Europe ? Fabius a cru que le « non » serait une étincelle, hormis le blocage, il n’y a eu aucune issue. On était en désaccord sur l’opportunité de la participation sans soutien à une Europe dans laquelle nous étions idéologiquement minoritaires.
Mais puisque personne ne prône la sortie de l’UE ou du PSE que l’on sait qu’en politique, quand on souhaite une pause, il en résulte un recul, la seule question qui vaille est celle du sens de la marche.
Tant de convergences cachées et tant de divergences réelles nécessitent de prendre la bonne mesure de l’univers des possibles. Il est assurément plus vaste qu’on ne veut bien l’admettre.
Car la reconstruction c’est aussi réaliser au PS ce dont beaucoup parlent mais que personne ne fait : trancher les débats à trancher, s’armer de positions claires et organiser un parti adapté à la nouvelle période. Bref, ne pas faire comme si ne rien n’était, comme si rien ne dépendait de nous ou comme si, « on verra bien ».
En politique, il faut toujours se méfier des évidences. Tout ne va pas de soi.
Il faut rénover les outils. Ils sont rouillés. Laissons aux autres la faucille qui tranche les têtes pour n’en voir qu’une seule comme si le salut ne venait que de présidentiables pour qui le Parti est un poids mort ou un piédestal – ce qui n’est pas loin finalement d’un marchepied. Gardons le marteau qui permet de solidifier la Maison commune, d’affermir ses fondations et de donner un rythme à la marche vers la reconquête. Armons-nous de la truelle qui permet de mélanger les ingrédients dont nous avons besoin pour constituer le ciment de l’unité et la cohérence de la reconstruction.
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