De l’avis de tout le monde, le congrès de Hambourg fut important. Le SPD gouverne avec la CDU dans une coalition pour la première fois depuis 40 ans. La popularité d’Angela Merkel et la réalisation de quelques réformes issues du programme du SPD réduit l’espace des sociaux-démocrates d’autant plus que la concurrence du parti Die Linke est sévère.
Avec le coup de barre à gauche, aura-t-on pour la première fois dans l’Histoire un SPD plus à gauche que le PS ?
Ce qui est sûr, c’est que le congrès de Hambourg est pour le SPD aussi important que celui de Bad Godesberg de 1959 quand les sociaux-démocrates ont rompu avec toute référence au marxisme et celui de Berlin de 1989 après la Chute du Mur. Ce devait être l’occasion d’adopter un nouveau Programme fondamental.
Le PS et le SPD sont tous deux en crise. Ces deux partis sont liés de manière particulière depuis longtemps. On se rappelle que lors du congrès de l’Internationale à Amsterdam en 1904, les théoriciens de la social-démocratie allemande, Kautsky et Bebel avaient à la fois condamné la participation des socialistes français aux gouvernements bourgeois, donnant raison à Guesde contre Jaurès et incité les socialistes français à se rassembler dans un seul parti. Christelle Flandre a notamment illustré la période qui va de 1971 à 1981 dans son ouvrage Socialisme ou social-démocratie, regards croisés franco allemands, publié par la Fondation Jean Jaurès en 2006.
Dans les années 70, le SPD est dominé par les hautes figures de Willy Brandt et d’Helmut Schmidt. Dans les années 80, ce sera Oskar Lafontaine avant celle, plus controversée de Gerhardt Schröder. Ses successeurs, Franz Müntefering et Kurt Beck incarnent les deux orientations en jeu dans le congrès du SPD. Beck a succédé à Müntefering quand celui-ci est devenu vice-chancelier.
Le SPD a dû faire face à la scission des amis d’Oskar Lafontaine, parti fonder Die Linke avec les anciens du SED. Lors des élections législatives, cette défection fut pour beaucoup dans la défaite du SPD qui a été obligé de former un gouvernement de coalition avec les chrétiens-démocrates.
Le système allemand veut qu’après les élections, les partis au pouvoir élaborent un contrat de coalition donc chaque point est négocié et dont on a pris l’habitude de ne pas s’écarter.
Le SPD doit choisir entre deux priorités : retrouver sa position dominante à gauche, contestée par les amis de Lafontaine au risque de fragiliser la coalition ou maintenir le cap au risque de réduire son espace aux prochaines élections – faisant des amis de Lafontaine, l’unique alternative à gauche.
La réforme de l’Etat social engagée par Schröder a coûté cher a SPD. En voix et en adhérents – il a perdu l’équivalent de la totalité des adhérents du PS ces dix dernières années.
Pour Kurt Beck il faut s’ancrer plus à gauche pour retrouver un électorat perdu. Pour Müntefering, qui est le numéro deux du gouvernement, les réformes commence à porter leurs fruits et on en tirera le bénéfice aux élections de 2009. Avant cela, trois élections régionales en 2008 pourront servir de test.
Der General, comme on l’appelle, est un fidèle de Schröder. Il a su gagner le respect de la droite. Mais il n’est jamais parvenu à convaincre la base du parti. Beck, lui, est un homme de gauche qui soigne ses liens avec le monde syndical. Mais il ne s’est pas autant imposé que ses prédécesseurs sur la scène politique nationale.
Le congrès de Hambourg s’est tenu du 26 au 28 octobre devant 500 délégués. Il a vu triompher finalement la ligne de Beck qui a été réélu avec 95,5 % des voix car c’est celle qui semblait le plus en phase avec le souci du SPD de retrouver ses adhérents tout en regagnant la confiance des électeurs. Les sociaux-démocrates qui voient que la croissance est au rendez-vous demandent moins d’austérité au gouvernement.
Sur la question cruciale des chômeurs âgés, le SPD veut revenir sur une des dispositions de l’Agenda 2010 décidé par Schröder en 2004 qui prévoyait une réduction de la durée de leur indemnisation. On passerait donc de 18 à 24 mois.
Beck a fait un rappel aux fondamentaux en insistant sur l’importance des "valeurs fondamentales de solidarité, d'équité et de liberté" qui sont "plus que jamais d'actualité". Il a également caractérisé la droite avec qui le SPD partage le pouvoir car « la CDU est resté un parti néo-libéral d’extrémistes du libre-échange ». Pour autant, la participation au gouvernement s’avère, pour Beck, le moyen de peser sur la politique.
Schröder a soutenu Beck en expliquant que « l’Agenda 2010 n’est qu’un outil, pas une fin en soi et donc modifiable ». Il a toutefois conseillé de « changer de cap avec modération ». Autre soutien de poids, le ministre des affaires étrangères qui jouit d’une grande popularité, Frank-Walter Steinmeier. Celui-ci est devenu le numéro 2 du SPD. Tout cela ne fait pas de Beck un candidat susceptible de battre la droite. Il n’a pas le charisme d’un Schröder et Merkel a fait ses preuves d’autant qu’elle bénéficie d’une conjoncture économique qui s’est améliorée. Pour autant, le SPD qui peine à franchir la barre des 30 % souhaite pouvoir s’aller avec les Verts et les libéraux-démocrates qui sont actuellement crédités de 10 % chacun.
La question de la privatisation des chemins de fer sera l’occasion d’engager un bras de fer avec la droite sujet tellement crucial, qu’un nouveau congrès du SPD pourrait être convoqué si l’accord avec la CDU ne correspond pas au souhait du SPD. Les sociaux-démocrates qui sont favorables à la privatisation posent comme condition l’émission d’actions sans droit de vote. Ce qu’on appelle des « actions populaires ». Cela tiendrait la Deutsche Bahn hors de portée d’investisseurs privés qui feraient passer leurs intérêts financiers avant les exigences de qualité de service et de desserte. Comme l’a dit l’ancien député Peter Conradi, « la Bahn doit rester sur les rails, pas aller en bourse ».
Le nouveau Programme fondamental, « Démocratie sociale au XXIe siècle », définit l’Etat comme protecteur des intérêts des individus. Il prône un « Etat social permanent ». C’est un retour sur les ruptures mal digérées de Schröder. Il contient neuf mesures sociales comme l’assouplissement des conditions de départ à la retraite à 67 ans, en permettant le départ à 60 ans. Des moyens financiers supplémentaires, pour permettre à l'Agence fédérale pour l'emploi de mieux placer les chômeurs âgés sur le marché du travail. L’instauration d’un salaire minimal unique dans la branche du travail temporaire afin de combattre les pratiques de dumping social. Désormais pour le SPD, la politique de l’éducation est centrale dans la politique sociale. Les enjeux de l’environnement deviennent plus qu’avant, des enjeux de la politique étrangère et notamment l’accès au ressources dans les risques pour la sécurité internationale. Il s’agit du résultat d’un compromis entre les pragmatiques et les tenants de l’aile gauche.
On verra si ce recentrage identitaire après les dernières années de Schröder, opéré par un Kurt Beck moins charismatique permettra de résoudre la crise du plus ancien parti d’Europe.
le SPD a peur du succès des LINKEN de Gysi et Lafontaine. Pourquoi le PS n a t il pas peur du PCF ?
Rédigé par : vaterlandslose-gesellen.de | 29 octobre 2007 à 20:53
Parce que le PCF fait même pas 2% aux élections présidentielles, et un score moyen aux législatives, tout juste de quoi garder un groupe parlementaire.
Mais restons attentif à ce qui se passe du côté de "l'autre gauche". Si effectivement le nouveau parti rêvé par Besancenot arrivait à réunir trostkystes, altermondialistes et quelques communistes, et les maintenir unis, sur la base d'un projet, alors il pourrait y avoir une situation semblable à celle de Die Linke.
Cela dit, deux observations:
- le système électoral français n'est pas le système allemand,
- la réunions de ces divers courants de gauche, s'il a du sens au niveau électoral, a l'inconvénient de noyer des sensibilités qui restent différentes.
C'est un peu le dilemme efficacité/démocratie.
Rédigé par : Pablo | 08 novembre 2007 à 20:17