Quelle meilleure manière de fêter ses cinquante ans que celle qui consiste à connaître une seconde vie ? C'est ce qui arrive à la maison de disques Stax, basée à Memphis, Tennessee.
Rare sont les labels qui évoquent par leur nom seulement, l'idée qu'on peut acheter un disque les yeux fermés. Il y a Motown, Blue Note ou Sun, l'autre légende locale. c'est à peu près tout...
Le label Satellite créé en 1957 par la famille Stewart-Axton (qui devait donner le nom Stax, avait innonvé par le fait qu'en plein Sud, il faisait de la bonne musique sans s'occuper de la couleur. La ville de Memphis d'ailleurs montre bien encore aujourd'hui combien l'imbrication entre les Noirs et les Blancs, liée à l'histoire sociale et économique de la région faisait de la fin de la ségrégation, une perspective inéluctable.
Pour mémoire, Stax était avec Motown, l'autre grande maison de disques "noire". Plus crue et plus racée que le son Motown, le son Stax était le fruit de son cadre. La ville de Memphis était elle aussi une capitale, celle de la musique. Elle n'avait pas grand chose à envier à Nashville ou à la petite ville de Muscle Shoals dans l'Alabama qui a lié son nom aux meilleurs enregistrements d'Aretha Franklin ou Bob Dylan.
Dans cette ville cohabite une classe ouvrière et paysanne blanche et noire. Très croyante. Comme dans pas mal d'autres villes, les églises, on en trouve à coins de rue et même si tous adorent le même Dieu, il ne le font pas ensemble. Il y a aussi les lieux de perdition sur Beale Street où on joue le soir dans des endroits pas possible. Les juke joints. Où la musique est aussi bonne que la bouffe faite de pains de maïs, de black eyed peas, de patates douces ou queue de porc et autres ingrédients de la soul food...
Le blues, le jazz, le gospel cohabitent avec la country et ce mélange va donner dans les années 40 deux genres musicaux déterminant pour la musique de danse. Le rhythm and blues et le boogie woogie. Le rhythm and blues devient très vite la musique sur laquelle les Noirs dansent. Ils s'y identifient et la force qu'on y trouve, l'énergie rythmique, l'humour, le côté glauque aussi qui environne la création et l'expression de cette musique... Dans leur argot les mots soul (âme, manière d'être "noir") ou funky (amusant, déguelasse) apparaissent vite. Parce que la ferveur du gospel n'est jamais loin, cette musique devient aussi une musique de protestation et elle va témoigner des bouleversements politiques et sociaux qui touchent les Etats-Unis depuis les années 60.
Comme souvent, l'apogée fut atteint au tournant des années 70, mais dès le milieu de la nouvelle décennie, il fallut mettre la clé sous la porte.
Désormais, la soul s'effaçait devait la soupe que servait le disco. Bien sûr, il y eu la sortie du film, The Blues Brothers au début des années 80, mais ce n'était là que l'expression d'une mode nouvelle, le revival où on fait revenir des vétérans sur scène pour des reprises. Mais il n'y eut plus de création notable.
Et puis certains se mirent à mourir. En 1967, tout le monde avait été effondré par la mort accidentelle d'Otis Redding et de son groupe. Depuis, c'est le Dave de Sam & Dave, Roebuck "Pops" Staples ou Albert King et Rufus Thomas qui sont décédés. Mais, la plupart des musiciens sont encore vivants, voire, en activité comme Eddie Floyd, Sam Moore, Steeve Cropper ou Mavis Staples... Stax avait été distribué par Atlantic dans les années 60, puis par un groupe qui comprenait aussi la MGM. Quand le label fit faillite, son catalogue fut repris par Fantasy qui fut à son tour racheté par Concord, qui appartient à Universal.
Concord a annoncé la relance du label et de nouveaux albums à venir sous la marque aux claquement de doigts. En clair, de nouveaux artistes, de nouvelles chansons, bref, une résurrection. Dans le nouveau catalogue ? Angie Stone, Soulive, un album de reprises des compositions de Maurice White, le génial grand prêtre d'Earth, Wind and Fire qui a du se retirer du métier pour cause de santé et, last but no least, Black Moses himself, Isaac Hayes. Rien que ça...
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