Les uns portent des Swatch, d'autres des Rolex, les plus friquées misent sur des Breitling ou des Teg Heuer et quelques uns, des Lip. Lip, tout un symbole en trois lettres rouges qui contribuèrent à faire de 1973 une année terrible.
Tout a commencé à Besançon, la ville natale de Victor Hugo. A l'ombre de la citadelle érigée par Vauban, une forteresse d'un autre genre fut improvisée dans cette usine d'horlogerie bien française. On ne parlait pas encore de mondialisation. Toute la gauche avait le mot "autogestion" à la bouche et dans la tête. Le PSU de Michel Rocard dominait encore intellectuellement la gauche non communiste en attendant que le PS d'Epinay soit hégémonique. Les lycéens défilaient contre la loi Debré, avec dans leurs rangs Michel Field et Julien Dray dans les cohortes dirigeantes de la Ligue communiste qui devait être dissoute pour avoir mené, avec d'autres forces d'extrême gauche, une opération mémorable contre l'extrême droite.
Jean-Luc Mélenchon et Paulette Guinchard-Kunstler n'étaient pas encore voisins sur les bancs du gouvernement Jospin, mais déjà bisontins et bientôt, piqués, eux aussi, au virus génial de la politique. Précisément à l'occasion de cette grève. On avait délaissé les rues du Quartier latin pour les champs de bataille encore vierges de la lutte antimilitariste sur le Larzac, de la lutte antinucléaire et pour l'autonomie régionale parfois. José Bové avait les cheveux longs et Besancenot était trop jeune pour regarder les Dossiers de l'écran !
Avant les Moulinex et les Lu, il y eut les Lip...
A l'occasion de la sortie du documentaire, Lip, l'imagination au pouvoir, il est bon de se rappeler que la gauche, c'est l'articulation d'un mouvement social et d'un débouché politique.
L'avocat des Lip s'appelait Tony Dreyfus. Piaget, le leader CFDT local milite encore dans les rues de la capitale franc-comtoise. Libé était jeune à l'époque et l'équation "Rothschild-Mao" relevait plus d'un délire situ que d'une évolution insoupçonnée !
Bref, c'était un temps où la droite était bien de droite, et la gauche bien de gauche. L'UDF n'existait pas, mais Arlette et Le Pen faisaient déjà de la politique.
Qu'en retenir aujourd'hui ? La lutte n'a pas abouti au final, mais ce fut un grand moment... Probablement, que la question de la participation des salariés à la gestion de leur entreprise n'est pas une utopie, mais un des piliers de la démocratie sociale que les socialistes proposent. D'ailleurs, moins de dix ans plus tard, à la faveur de l'arrivée de la gauche au pouvoir, les lois Auroux constituèrent un premier pas. Dominique Strauss-Kahn a proposé dans la campagne interne d'aller encore plus loin dans l'association des salariés aux décisions qui les concernent dans l'entreprise.
De nos jours, l'actionnaire passe avant le salarié, ce dernier, constituant bien souvent la variable d'ajustement et le moyen par lequel le capitalisme se maintient.
L'exemple des Lip montrent que ce qu'on raconte sur "la valeur travail" et "remettre la France au travail" n'est que baliverne face à une réalité qui est celle-là : le travail n'est pas protégé, il n'est même pas valorisé. On connaît les patrons jetables, ils ont souvent, grassement les moyens de se refaire. Ce n'est pas le cas pour les travailleurs.
Ca doit changer... Ca peut changer. C'est l'heure d'un avenir meilleur pour les travailleurs.
J'espère que Ségolène Royal se sera ménagé le temps d'aller voir ce documentaire... D'une certaine manière, ce fut assez participatif dans cette usine, non ?)
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