Curieux comment les événements se bousculent pour faire sens. En ce mois de janvier, la mémoire est sollicitée. Le 30 janvier 1933, tirant les conséquences du vote des Allemands, le président Hindenburg nommait un nouveau chancelier, Adolf Hitler. Le 27 janvier 1945, après trois années de combats acharnées, les troupes russes dans leur avancée vers l’Ouest libéraient le camp d’extermination d’Auschwitz. Alors qu’en Europe, les mémoires se préparent, un événement inattendu se produit qui renforce le mouvement de remise à l’heure des pendules.
Jean-Marie Le Pen que l’on avait oublié se rappelle, lui aussi, à notre mémoire avec son entretien au journal d’extrême droite, Rivarol dans lequel il explique que la Gestapo n’a pas commis tant de crimes que ça, si ce n’est que quelques bavures et que le massacre d’Oradour était « justifié ». Pour lui, l’Occupation nazie ne fut pas si insupportable que ça. Cette événement s’ajoute à deux autres épisodes dans l’actualité récente du Front national : les déclarations négationnistes de Bruno Gollnisch sur les chambres à gaz et l’entretien accordé par Alain de Benoist à une publication lepéniste dirigée par Marine Le Pen.
Quel service ils nous rendent ! Depuis plusieurs années, un climat pourri existait sur ces questions avec le retour d’un certain antisémitisme et une tendance à la banalisation motivée en partie par une actualité sanglante. On a eu le sentiment pendant quelques temps, que personne n’avait tiré les leçons de la Shoah. Il y avait eu d’autres génocides après 1945, l’occupation des territoires palestiniens conduisait les plus enflammés des antisionistes à parler de « génocide palestinien ». Finalement, on en venait à oublier la réalité crue que découvrirent les soldats russes en cette fin d’hiver 45 : près d’un million de tués dans le seul camp d’Auschwitz, qui symbolise à lui seul toute l’horreur nazie victimes d’un système concentrationnaire inimaginable : une industrie de la mort comme il existe une industrie de la pantoufle, avec son économie, sa technologie et ses quotas de production. La matière première ? Par arrivages entiers en provenance des quatre coins d’Europe, des juifs, ldes tziganes, des malades mentaux et des homosexuels. Le produit fini ? Des cadavres à ne plus savoir qu’en faire, accessoirement, du savon ou des fournitures pour les sous-mariniers, des cobayes humains...
Et dire que Jean-Marie Le Pen, c’est le même, était au deuxième tour de l’élection présidentielle !...
« Ca » a existé. Les Noirs savaient que les déportations de masse et la prospérité économique d’un continent fondée sur l’exploitation systématique du bétail humain n’étaient réprouvées par aucune morale chrétienne ni aucune « philosophie des Lumières ». Les Arméniens savaient que l’extermination d’un peuple était concevable dans l’esprit d’ultra nationalistes formés dans ce que l’Europe pouvait produire de meilleur. Les nazis ont prouvé qu’on pouvait aller encore plus loin.
Ce qui frappe c’est que Le Pen insulte aujourd’hui la mémoire du pays. On se demande qui est « l’anti-France » à l’entendre. S’il pense que les gens d’Oradour sont morts pour rien, que toutes les victimes de la Gestapo le méritaient, il me fait penser au Hitler de la Chute qui précisément explique que les Allemands méritent les malheurs qui leur arrivent et qu’il ne versera pas une larme. A-t-il cru que la police allemande se réduisait aux barbouzes évoqués dans 93, rue Lauriston ? Un rôle qu’il a joué lui-même en Algérie quelques années plus tard...
Le Front national reste donc pour qui en doutait un parti fascisant. Et quand même des socialistes m’expliquent que 51 % pour Chirac auraient suffit le 5 mai 2002, je m’énerve...
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